La BCE, gênée aux entournures, reconnaît la récession.

Il faut le reconnaître : le virage est difficile à négocier pour Jean-Claude Trichet et ses collègues de la BCE : comment reconnaître que la récession est aux portes de la zone euro sans se dédire de leur récente stratégie et de leurs précédentes déclarations sur la vigueur de la croissance eurolandaise ?

Pour le moment, l’inflexion n’est pas encore marquée mais un début de mouvement est décelable. En effet, Jean-Claude Trichet reconnaît que les résultats économiques sont moins bons que ceux qu’il avait anticipés jusqu’à présent. Cela fait plaisir à entendre.

Pour être clairs : si le Président de la BCE fait une telle déclaration, cela signifie que le PIB a inévitablement baissé au cours du deuxième trimestre. Pis, la suite ne devrait être guère plus flamboyante. La BCE essaie donc de préparer les marchés à un revirement de sa position d’ici l’automne.

Deuxième changement en douceur : la BCE reconnaît que l’inflation est principalement due aux tensions sur les prix pétroliers et des matières premières.

Certes, les sempiternelles craintes relatives aux effets de second tour sont toujours d’actualité, mais une modération des prix est également annoncée pour 2009.

En d’autres termes, la BCE est bien en train de changer son fusil d’épaule. Cependant, comme d’habitude, la BCE annonce qu’elle ne réagira qu’une fois les chiffres publiés. Compte tenu d’un délai d’environ neuf mois entre les mouvements de taux monétaires et leur impact sur l’activité économique, il sera évidemment trop tard.

Nous y sommes habitués dans la zone euro : la croissance molle et/ou la récession sont un passage obligé avant la réaction des autorités monétaires.

Notre scénario est donc le suivant : le 14 août, Eurostat va annoncer une baisse du PIB de la zone euro d’environ 0,2 % pour le deuxième trimestre. Mi-octobre, elle en fera de même pour le troisième trimestre. La récession sera donc actée. Dans le même temps, compte tenu du repli du prix des matières premières, l’inflation eurolandaise commencera à reculer entre 2,5 % et 3 %.

La BCE sera alors contrainte de reconnaître une nouvelle fois ses erreurs. Simplement, pour ne pas ravaler sa fierté trop vite, elle attendra encore un mois supplémentaire avant de baisser son taux refi. C’est donc en décembre que ce dernier devrait être ramené à 4 %, pour ensuite atteindre 3,5 % d’ici mars 2009.

Anticipant ce mouvement, l’euro aura entretemps retrouvé des niveaux plus normaux d’environ 1,40 dollar pour un euro. La reprise économique pourra alors se mettre en place… pour l’été 2009. Mieux vaut tard que jamais.

 

Marc Touati