Avant tout, nous nous devons de signaler à ceux qui, comme nous, sont des Européens de la première heure, que les réalités décrites dans les quelques lignes à venir sont très dures à supporter.
En effet, depuis quinze ans, les matchs économiques Etats-Unis/Europe se suivent et se ressemblent. A chaque fois, l’écroulement de l’Oncle Sam est annoncé, tandis que la résistance (transformée dernièrement en « résilience ») de l’économie européenne est avancée. Et pourtant, à chaque fois, c’est exactement l’inverse qui se produit.
La première expérience de ce type remonte à
En 2002, bis repetita. Les Etats-Unis apparaissent sonnés par la récession de 2001 et les attentats du 11 septembre, tandis que la zone euro est très souvent présentée comme un havre de stabilité, de croissance forte et d’inflation limitée. Le résultat est le même qu’en 1995 : l’économie américaine repart dès 2002 et retrouve le chemin d’une croissance supérieure à 3 % à partir de
Et ce n’est malheureusement pas terminé. Car, l’histoire se répète une troisième fois. En effet, il y a encore quelques mois, la grande majorité des observateurs économiques, des prévisionnistes et des intervenants de marché prévoyaient une récession massive outre-Atlantique alors que la zone euro devait rester sur la voie d’une croissance soutenue.
Mais, une fois encore, le consensus a eu tort. Ainsi, l’économie américaine a évité la récession forte et durable tant annoncée, alors que c’est la zone euro qui est aujourd’hui menacée par cette sombre perspective qui a d’ailleurs certainement déjà commencé. C’est le syndrome du tunnel : les Etats-Unis sont en train d’en sortir, alors l’Euroland y entre et n’est pas près d’en sortir.
Certes, certains trouveront encore à redire sur la résistance de l’économie américaine, arguant de la « déception » générée par une croissance de « seulement » 1,9 % au deuxième trimestre 2008, alors que le consensus de marché attendait 2,3 %. Ceux-ci oublient pourtant bien vite qu’il y a peu, l’annonce de l’évitement de la récession et d’une croissance positive tant au premier qu’au deuxième trimestre 2008 faisait sourire.
En outre, comme nous l’expliquons dans notre « quid de l’économie cette semaine », hors stocks, la croissance américaine a atteint 3,8 % au deuxième trimestre. Ce qui augure d’une performance très appréciable au troisième trimestre. D’autant que les indicateurs avancés de l’activité (et notamment les commandes de biens durables) indiquent que la consommation des ménages et l’investissement des entreprises devraient retrouver un dynamisme marqué au troisième trimestre. Dans ce cadre, la croissance du PIB américain devrait avoisiner les 1,9 % sur l’ensemble de l’année 2008 et regagner la barre des 3 % en 2009.
Bien loin de cette renaissance (qui est certes toujours loin de l’euphorie), la zone euro a commencé à sombrer dans la baisse d’activité dès le deuxième trimestre et devrait rester sur la voie de l’atonie au moins jusqu’au printemps prochain. Et ce, « en se payant le luxe » d’afficher une inflation record à 4,1 %. Autrement dit, l’Euroland a tout perdu : sa croissance et sa crédibilité en matière de lutte contre l’inflation.
D’où une question : comment en est on arrivé là et pourquoi n’a-t-on pas tiré les leçons des erreurs du passé ? Certains répondront que les Etats-Unis ont choisi la facilité en soutenant leur activité avec une politique économique accommodante, tandis que l’Euroland a su faire preuve de courage en acceptant la récession. A la rigueur, si cette récession avait permis d’éviter une inflation historique, il aurait été possible d’essayer de comprendre. Mais ce n’est même pas le cas.
La réponse à cette triste situation est malheureusement simple : aux Etats-Unis, tout est fait pour la croissance et l’emploi, tout en sachant que dès que ceux-ci sont de retour, la politique économique cesse d’être accommodante. Dans la zone euro, il n’en est rien : le dogmatisme ne cesse de primer sur le pragmatisme, tant en matière de politique monétaire que de politique budgétaire, de stratégie de change ou encore de vision du monde. En d’autres termes, nous préférons mourir guéris plutôt que de vivre avec une ou deux cicatrices sur le dos.
Quel dommage !
Marc Touati