Déficit extérieur français : 45 milliards d’euros en mai et bientôt 50.

Lorsqu’il y a quelques mois, nous annoncions l’atteinte d’un déficit extérieur français de 45 milliards d’euros pour 2008, nous paraissions excessivement pessimistes. Pourtant, avant même la fin de cette année, c’est déjà chose faite. En effet, en mai, le déficit extérieur de la France a atteint un double sommet historique : d’une part sur un mois à 4,738 milliards d’euros (contre 3,7 milliards en avril) et d’autre part, sur un an à 45,603 milliards d’euros.

Bien entendu, certains pourraient croire que ce creusement est dû au déficit énergétique. Mais, il n’en est rien, puisque ce dernier s’est même réduit, passant de 4,7 milliards en avril à 4,36 milliards en mai.

Malheureusement, l’origine principale de cette détérioration est bien plus grave que l’augmentation des prix énergétiques, car elle réside dans l’effondrement des exportations françaises. Ainsi, après avoir déjà plongé de 6,4 % en mars, puis rebondi de 2,6 % en avril, celles-ci rechutent de 1,7 % en mai. Sur trois mois, leur recul atteint ainsi 3,1 %. Et ce, en valeur, c’est-à-dire qu’en volume (donc corrigées de l’appréciation de l’euro), leur repli est encore plus important.

Pis, cette baisse est générale tant d’un point de vue sectoriel que géographique. Ainsi, qu’il s’agisse des biens d’équipement, des biens intermédiaires, des automobiles, qu’elles soient à destination de l’Union européenne, des Etats-Unis, de l’Afrique ou encore du Proche et du Moyen-Orient, les exportations françaises reculent quasiment partout et dans tous les domaines.

Si le ralentissement de la croissance mondiale et européenne en particulier, ainsi que l’euro trop fort jouent évidemment un rôle majeur dans cette détérioration, ces évolutions rappellent cruellement la faible compétitivité de nos exportations à travers le monde.

En fait, le seul secteur dans lequel nos exportations augmentent encore est le militaire. Ce qui signifie que, hors matériel militaire, le déficit extérieur français a atteint plus de 6 milliards d’euros en mai. Un résultat qui ne sera certainement pas mis en exergue.

Parallèlement, témoins permanent du manque de compétitivité des produits français sur le territoire national, les importations continuent d’augmenter, à l’exception notable des automobiles, confirmant la crise que vit actuellement le secteur dans l’Hexagone.

Dans ces conditions de creusement du déficit français tant en valeur qu’en volume, il est à craindre une contribution nettement négative du commerce extérieur à la croissance du PIB pour le deuxième trimestre.

Pour la suite, rien ne semble en mesure d’améliorer la situation. En effet, la nette décélération de la croissance européenne, l’euro trop fort et le baril trop cher vont encore peser sur le déficit extérieur français qui pourrait bien atteindre prochainement la barre des 50 milliards d’euros sur un an.

La somme des deux déficits français (budgétaire et extérieur) pourrait donc bien dépasser le niveau record des 100 milliards d’euros cette année, une « performance » dont la France se serait évidemment bien passée.

Piètre consolation, l’excédent commercial allemand est aussi en retrait, confirmant que l’Allemagne n’est plus ce havre de résistance des exportations malgré l’euro trop fort et le ralentissement mondial. Non, l’Allemagne aussi commence à souffrir de cette double évolution. Sachant qu’elle pâtit également d’une faiblesse marquée de sa consommation, elle pourrait même subir une baisse de son PIB au deuxième trimestre, comme l’a d’ailleurs indiqué la forte baisse de la production industrielle en avril et mai.

Soyons clairs : la récession est aux portes de la France, de l’Allemagne et de la zone euro.

 

Marc Touati

Marc Touati