L’été sera chaud.

« Pourquoi a-t-on créé les économistes ? Pour que les météorologues ne soient pas les seuls à se tromper ». Au-delà de cette boutade bien connue (qui rappelle néanmoins que les économistes doivent avant tout faire des prévisions et pas seulement se résoudre à décrire le passé, tout en étant constamment habités par un esprit d’humilité), il y a depuis quelques années une nouvelle similitude entre ces deux professions.

En effet, depuis le réchauffement climatique et surtout depuis la canicule de 2003, au début de chaque période estivale, tant les météorologues que les économistes, prévisionnistes et autres devins en tous genres nous annoncent que l’été sera chaud. Et sur ce point, il faut reconnaître que les seconds se sont un peu moins trompés que les premiers. Car, si, climatiquement, les derniers étés ont été plutôt frais, en économie et sur les marchés financiers au sens large, les étés ont été de plus en plus caniculaires.

Ainsi, en 2005, les cyclones Rita et Katrina ravageaient le sud des Etats-Unis, faisant flamber le baril à 70 dollars, suscitant par là même une dégringolade, certes temporaire, des indices boursiers. Un an plus tard, les cyclones sont évités mais, face à une croissance américaine soutenue, la Fed augmente ses taux directeurs et fait passer aux marchés quelques semaines difficiles, notamment en juin et juillet.

Mais ce n’est évidemment rien comparativement à la crise des subprimes et surtout à la crise interbancaire qui explose début août 2007 et suscite une crise de confiance massive de laquelle nous ne sommes d’ailleurs toujours pas sortis.

La question est alors de savoir si, au cours de l’été 2008, un nouveau cran sur l’échelle de la panique et de la défiance sera atteint. Il faut reconnaître que tous les ingrédients pour y parvenir sont là.

Tout d’abord, le pétrole se rapproche des 150 dollars et l’arrivée de la période des cyclones dans le golfe du Mexique ainsi que les craintes d’une intervention militaire ponctuelle voire d’un conflit durable en Iran font dire à certains que le baril pourrait même atteindre la barre des 200 dollars (il s’agit d’ailleurs souvent des mêmes qui annonçaient il y a quelques années que le baril ne dépasserait jamais les 45 dollars…).

Dans ce cadre, l’inflation restera forte, voire explosera et pourra générer un phénomène de stagflation mondiale, déprimant encore davantage des marchés boursiers déjà envahis par le spleen.

Dans le même temps, de nouvelles dépréciations d’actifs pourraient intervenir dans les comptes des banques internationales, réactivant le spectre d’une nouvelle crise bancaire, l’avènement d’une crise systémique, tant annoncée depuis un an et jusqu’à présent évitée.

Enfin, au dire des autorités chinoises, un très fort risque terroriste pèse sur les Jeux Olympiques de Pékin, ce qui, en cas de concrétisation, pourrait très vite changer la fête du sport en torpeur généralisée.

Bref, il est clair que les « bearish » ont de quoi passer un été formidable. Pourtant, ne l’oublions pas, le pire n’est jamais certain et de l’obscurité actuelle pourrait bien naître la lumière. Evidemment nous ne sommes pas devins et nous ne nous aventurerons pas à des spéculations sur l’activité cyclonique, sur l’occurrence de frappes militaires en Iran ou encore sur l’organisation d’attentats pendant les JO de Pékin.

En revanche, nous avons la possibilité et surtout le devoir d’annoncer quelques dates phares qui marqueront inévitablement cet été 2008 d’un point de vue économique et financier. En fait, il y en aura deux.

La première sera le jeudi le 31 juillet, qui sera certainement la date à ne pas rater. Et pour cause : ce jour là, deux statistiques déterminantes seront publiées. Il s’agira à 11h de la première estimation de l’inflation dans la zone euro pour le mois de juillet. Or, après avoir atteint 4 % en juin, le glissement annuel des prix à la consommation eurolandais devrait atteindre 4,2 % en juillet. En effet, dans la mesure où les prix ont reculé de 0,2 % en juillet 2007, même une stabilisation de ces derniers en juillet 2008 reviendra à tendre le glissement annuel de 0,2 point. Que dira alors la BCE face à la confirmation que sa politique monétaire restrictive menée depuis un an et demi est incapable de réduire l’inflation ?

Fort heureusement, cette journée devrait également être marquée par l’annonce de l’évolution du PIB américain au deuxième trimestre. Après avoir augmenté de 1 % en rythme annualisé au premier trimestre, celui-ci devrait croître d’environ 1,5 % au deuxième trimestre, confirmant que le scénario d’une grave récession était bien un leurre.

Le dollar pourra alors reprendre quelques couleurs. Surtout que, quelques jours plus tard, en l’occurrence le 14 août, les comptes nationaux de la zone euro pour le deuxième trimestre devraient être publiés et faire apparaître une croissance nulle voire une légère baisse du PIB. De quoi confirmer, une fois encore, que les niveaux du taux refi et de l’euro/dollar sont bien trop élevés. Cela permettra alors aux investisseurs de retrouver leurs esprits, de revenir progressivement à l’achat sur le dollar, d’où un repli des cours du baril, donc un recul de l’inflation et un rebond des marchés boursiers. Cette année encore, l’été sera très chaud sur ces derniers qui connaîtront donc une forte volatilité, mais pourraient finalement entamer l’automne avec le retour de l’espoir. Ce qui, dans le contexte actuel, ne sera déjà pas si mal.

Marc Touati