Côte d’Ivoire : Son retour passe par l’économie

Un ami ivoirien, entrepreneur sur le port d’Abidjan, me disait l’autre jour qu’il serait bon que l’ « afro-pessimisme » laisse place à l’ « afro-optimisme ». Que les entrepreneurs africains avaient la volonté de redresser la barre économique malgré tous les freins structurels – financiers, politiques, ethniques – qui demeurent. Mais qu’ils avaient besoin que le Nord revoit sa vision du continent noir car l’heure de la « Francafrique » est bel et bien révolue.

En Côte d’Ivoire, l’impulsion viendra sans doute plus des business men que de l’intelligentsia politique sclérosée par un conflit politico-ethnique dont l’issue est encore incertaine en dépit d’une élection présidentielle prévue en novembre et de la tentative de Ouagadougou. La reconstruction politique de la Côte d’Ivoire passe par une construction économique.

Et le pays a des cartes à jouer. Sa situation portuaire et sa puissance agricole sont ses principaux atouts. En 2005, l’industrie ne représentait qu’à peine plus de 20 % du PIB ivoirien. L’agriculture domine : le cacao – il en est le premier producteur mondial -, le café, le coton, le palmier à huile, l’hévéa, le bois – il concurrence sans problème le Brésil…

Cette agriculture dynamique, bien que son potentiel ne soit pas pleinement utilisé, dope les exportations et l’activité portuaire nationale. En 2007, le Port Autonome d’Abidjan a connu une hausse de son trafic de marchandises de 13 % à 21 millions de tonnes. Malgré une production de coton en diminution. Malgré des plantations de cacao transformées par endroits en QG des milices rebelles. Malgré un commerce de produits pétroliers en recul. Malgré une insuffisance de moyens de communication et de transports de marchandises pour désenclaver l’« hinterland » africain.

Entre la France et la Côte d’Ivoire, la « blessure » commence à cicatriser. Paris regarde à nouveau vers un pays qu’il a longtemps considéré comme son « pré carré ». En Côte d’Ivoire, le ressentiment vis-à-vis de l’ancien colonisateur s’efface peu à peu.

Pour quels gains ? Les échanges entre la France et la Côte d’Ivoire ont augmenté de 6 % l’an dernier, selon les chiffres d’Ubifrance, avec un solde commercial excédentaire à l’avantage de la Côte d’Ivoire. Ce pays a été en 2007 le premier client et le premier fournisseur de produits agricoles et agro-alimentaires de la France en Afrique sub-saharienne.

Abidjan a également tout intérêt à voir les entreprises occidentales – avant que n’éclate la crise en 2004, une importante partie de la richesse nationale était créée par des entreprises françaises, représentant la moitié des recettes fiscales de l’Etat – et les IDE revenir.

Entre 2000 et 2006, la Côte d’Ivoire a malheureusement enregistré des taux de croissance réelle proches de zéro, minée par les crises de 2002 et 2004. Le pays devrait renouer avec une croissance de 3 % cette année, prédit la Banque Mondiale, et de 4,5 % en moyenne entre 2008 et 2010. A condition d’une résolution durable du conflit politique, d’une amélioration de la situation sécuritaire, du retour de la confiance dans le secteur privé et des investissements, de réformes majeures dans les filières du cacao, de l’énergie et des finances, de la réhabilitation des infrastructures publiques et du redéploiement des services de l’État.

Les défis sont nombreux mais les bonnes volontés ne manquent pas. Il ne faudrait pas que la politique vienne mettre des bâtons dans les roues de l’économie.

 

 

Alexandra Voinchet