La récession est de retour… en Europe.

A force d’avoir été annoncée presque partout et notamment par de nombreux « spécialistes très éminents », la récession risque bien de faire son grand retour. Cependant, alors qu’une large majorité de prévisionnistes l’attendait aux Etats-Unis (elle devait même être la plus grave depuis l’après-guerre), c’est finalement en Europe que la probabilité du retour de la récession est la plus forte.

Certes, l’Oncle Sam n’est pas encore complètement sorti d’affaire. Ainsi, la nouvelle baisse de la production industrielle et des mises en chantier en mai confirme que la croissance restera très molle au deuxième trimestre. Néanmoins, le scénario de forte baisse du PIB américain pendant au moins deux trimestres s’est considérablement éloigné.

C’est du moins ce qu’a dernièrement indiqué la remontée des indices ISM des directeurs d’achat dans l’industrie et les services, mais aussi la relance des ventes au détail. Dans ces conditions, après avoir avoisiné les 1,8 % cette année, la croissance américaine devrait retrouver son niveau structurel dès 2009, en l’occurrence autour de 3 %.

En Europe malheureusement, la situation est toute autre. Evidemment, partant d’une croissance structurelle d’environ 1,8 %, il est mécaniquement difficile de faire des étincelles et d’atteindre les 3 % de croissance. Mais surtout, après avoir atteint 2,7 % l’an passé, en particulier grâce à l’économie allemande, il est désormais temps de repasser sous les 2 %, voire sous les 1 % à l’horizon du début 2009.

En effet, dans la mesure où rien n’est fait pour tenter de redresser la barre, il n’y a aucune raison qu’une reprise se produise. Autrement dit, alors que les Etats-Unis continuent de bénéficier de toutes les armes de politique économique (baisse des taux monétaires, assouplissements fiscaux et dollar faible), la zone euro n’en dispose d’aucune, voire les utilise contre elle.

Les résultats de cette stratégie du « rien » sont d’ailleurs d’ores et déjà visibles : depuis le début 2008, les ventes au détail n’ont ainsi cessé de chuter et leur glissement annuel atteint désormais un plus bas historique, annonçant par là même une nette baisse de la consommation tant au deuxième qu’au troisième trimestre.

Parallèlement, en dépit d’une stabilisation en mai, l’indice de sentiment économique reste sur des plus bas et annonce un glissement annuel du PIB d’environ 1,2 % d’ici à l’automne prochain. Cette semaine, l’indice ZEW, qui décrit les perspectives d’activité des milieux financiers allemands, s’est de nouveau effondré, atteignant un plus bas depuis 1992, quelques mois avant la récession de 1993.

Autrement dit, même l’Allemagne, qui est pourtant quelque peu protégée par ses réformes structurelles des cinq dernières années, commence également à souffrir. Forcément, pâtissant d’une baisse de leur salaire réel depuis sept ans, les consommateurs allemands n’ont d’autres choix que de réduire leurs dépenses, ce qui s’accompagne d’ailleurs d’une forte baisse de leur confiance.

Mais il y a bien pire que l’Allemagne. Ainsi, habituée au podium de la croissance eurolandaise, l’Espagne est aujourd’hui en train de s’effondrer. La remontée des taux d’intérêt a effectivement entraîné un krach immobilier, ce qui n’a pas manqué d’aggraver le chômage qui augmente actuellement de 20 % sur un an et de 60 % dans la construction. D’où un pouvoir d’achat grevé et une consommation qui risque de s’effondrer.

Une situation analogue s’observe également en France, au Portugal et en Italie. Même si ceux-ci sont habitués à fermer la marche du classement de la croissance eurolandaise depuis six ans, il n’en demeure pas moins que le ralentissement économique va également faire mal tant en matière d’emploi que de pouvoir d’achat.

Dans ces conditions, la variation du PIB de la zone euro devrait avoisiner les 0 % dans les trois prochains trimestres et peut-être même passer dans le rouge sur un ou deux trimestres.

Piètre consolation, ce risque de récession n’est pas l’apanage de la zone euro, puisqu’il est aussi présent au Royaume-Uni. En revanche, la réaction des banques centrales risque d’être quasi-similaire puisque, si la Banque d’Angleterre ne devrait pas augmenter son taux directeur, comme semble vouloir le faire la BCE, elle ne paraît pas non plus disposée à les baisser.

Alors que l’on ne cesse de se plaindre ici ou là du manque d’unité européenne, il faut donc souligner qu’en matière de stratégie de croissance, l’Europe (du moins la zone euro et le Royaume-Uni) sont en train de se réunifier au travers d’un drame commun : la récession…

 

Marc Touati