Slovaquie : Le pari de l’intégration dans la zone euro.

La Slovaquie rejoindra la zone euro en janvier prochain. Cinq ans environ après son adhésion à l’Union Européenne, elle deviendra le premier pays de l’ex-bloc soviétique à franchir le pas et sera le seizième membre de la zone euro, au moment où celle-ci fête son dixième anniversaire.

 

Ce feu vert des autorités européennes récompense le travail de Bratislava pour atteindre les critères de convergence économique fixés par le Traité de Maastricht et s’imposer comme un acteur européen à part entière.

 

Le gouvernement slovaque s’est engagé dès les années 2000 dans des réformes économiques de profondeur pour remplir les critères énoncés dans l’article 121 du Traité instituant la Communauté Européenne : atteindre « la réalisation d’un degré élevé de stabilité des prix », « le caractère soutenable de la situation des finances publiques », « le respect des marges normales de fluctuation prévues par le mécanisme de change du système monétaire européen pendant deux ans au moins, sans dévaluation de la monnaie par rapport à celle d’un autre État membre » et prouver « le caractère durable de (sa) convergence (…) et de sa participation au mécanisme de change du système monétaire européen, qui se reflète dans les niveaux des taux d’intérêt à long terme ».

 

Et le bilan est plus qu’encourageant. Si l’inflation, en nette baisse depuis 2003, atteignait encore 4,5 % en 2006[1], elle est tombée à 2,8 % en moyenne annuelle l’an dernier. En mars, l’inflation moyenne sur un an était de 2,2 %.

 

Côté finances publiques, la dette publique tourne autour des 30 %, bien en deçà des critères du Pacte de Stabilité et de Croissance européen (qui fixe un maximum de 60 %). Le déficit budgétaire, malgré un rebond à 3,4 % du PIB en 2006, devrait ressortir, dixit le Parlement slovaque, très proche des 3 % autorisés par le PSC – une exigence qui n’est pas toujours respectée par les « Grands » de l’Europe comme la France.

 

La Slovaquie a rempli sans trop de mal les critères de fluctuations limités des taux d’intérêt et des taux de changes.

 

Mieux, elle peut se féliciter d’afficher une croissance de son produit intérieur brut de 10,3 % en 2007 selon les données de la banque centrale slovaque – contre + 0,7 % en 2000. De quoi faire pâlir plus d’un de ses homologues européens. L’an dernier, le pays a largement bénéficié du regain de son industrie automobile qui a dopé son PIB et ses exportations et largement attiré les investissements étrangers. L’amélioration de la balance commerciale, les investissements – destinés à la formation brute de capital fixe – et la demande intérieure – consommation privée – ont été les moteurs de cette croissance. Les prévisions de la banque centrale slovaque font état d’une croissance de 6,8 % pour cette année puis de 5 % par an pour la fin de la décennie.

 

Depuis sa « naissance » officielle le 1er janvier 1993, la Slovaquie, départie de son tuteur historique hongrois, a réalisé un beau parcours, que son adhésion à l’UE puis à l’Euroland vient couronner.

 

Mais la Commission européenne et la Banque Centrale Européenne émettent à juste titre des réserves. « Pour que l’adoption de l’euro soit un succès, la Slovaquie doit poursuivre ses efforts : elle doit maintenir un environnement faiblement inflationniste, se fixer des objectifs plus ambitieux en matière d’assainissement budgétaire », prévient le commissaire aux Affaires économiques Joaquin Almunia.

 

Un surcroît d’inflation, dans le contexte actuel fortement inflationniste, n’est pas exclu, à l’image de ce qui s’est passé pour la Slovénie. Bratislava en est conscient : le gouvernement table sur un taux de 1,9 % cette année et prévoit 2,4 % en 2009. De son côté, la Commission prévoit qu’il atteigne 3,8 % en 2008 et 3,2 % en 2009.

 

Tout n’est pas encore au point non plus au niveau socio-économique. Dans ce petit pays de 5,4 millions d’habitants, le taux de chômage de 11,3 % en moyenne l’an passé – mais très disparate selon les régions -, selon Eurostat, est le plus élevé de l’UE bien qu’il ne cesse de baisser – il était de 18,2 % en 2003. En 2006, 75 % de la population slovaque vivait dans la pauvreté. La démographie ne joue pas en faveur du pays avec un taux de natalité insuffisant pour compenser le vieillissement démographique.

 

Par bien des aspects, la Slovaquie peut encore s’analyser comme un pays en transition, sortant de l’ « émergence ». Du coup, la question de la rapidité de son accession à l’UE et à la zone euro se pose. La Slovaquie a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Le « oui » de Bruxelles n’est-il pas trop précoce ?

 

Pour la Slovaquie, les risques d’ « effets secondaires » sont nombreux. Si la banque centrale prévoit que le passage à l’euro se traduira par un renforcement de 0,7 % de la croissance et permettra d’attirer encore plus d’investisseurs étrangers, rien n’est moins sûr et une hausse de l’inflation viendrait contrarier ces desseins. La volatilité des investissements étrangers pourrait amoindrir le dynamisme de l’économie slovaque ; l’érosion du pouvoir d’achat des ménages, subissant la hausse des prix, risque d’entraîner à la baisse la consommation et, in fine, la croissance slovaque dans sa globalité. Des effets pervers qu’il ne faut pas écarter.

 

Quels sont à attendre les gains pour l’UE ? Difficile de ne pas se rappeler l’épisode de l’adhésion de l’Espagne. Cette entrée d’un pays sortant d’une dictature était alors plus pensée en termes symboliques – montrer que la Communauté est ouverte à tous les pays européens – qu’en termes d’efficience économique. Et avait pesé sur le développement européen au milieu des années 1980. Plus de vingt ans plus tard, force est de reconnaître le formidable rattrapage espagnol.

 

La chose est un peu différente aujourd’hui. Aider au développement de la Slovaquie est une idée partagée par tous. En revanche, d’un point de vue idéologique, cette extension géographique de l’Euroland repose la question, hautement épineuse, des frontières de l’UE à l’Est et de la difficulté à piloter, économiquement et politiquement, la « mosaïque européenne ». Les craintes d’une « balkanisation » de l’Europe sont sans doute exagérées. Mais l’UE devrait bien se garder de pêcher par gourmandise.

 

 Alexandra Voinchet

 

(1) Les chiffres cités dans cet article sont ceux communiqués par la Mission Economique française en Slovaquie et disponibles sur son site Internet.