Il faut le reconnaître, nous n’avions pas anticipé que la croissance du PIB français atteindrait 0,6 % au premier trimestre 2008. Notre prévision d’une augmentation de seulement 0,3 % n’a donc pas été validée. Et le fait que le consensus prévoyait également une croissance faible à 0,4 % n’est évidemment pas suffisant pour nous réconforter. En fait, face à ce décalage, deux types de comportement sont possibles. Soit celui du profil bas et du retournement de veste, via une révision fortement haussière de notre prévision de croissance pour 2008 ; soit celui de la franchise qui nous impose de souligner que les comptes nationaux du premier trimestre nous paraissent mystérieux et nous amènent à appeler à la prudence : Non ! Madame Lagarde, ne criez pas victoire trop vite.
Certes, à l’instar de la mauvaise fois de certains prévisionnistes qui, n’ayant pas anticipé la résistance de la croissance américaine au cours des derniers trimestres, ont annoncé que les chiffres étaient faux, nous pourrions également apparaître mauvais perdants.
Pourtant, tel n’est pas notre cas. En effet, nous n’avons d’autres choix que d’accepter les chiffres de l’INSEE et de les considérer comme vrais. Néanmoins, il est également de notre devoir de souligner certaines anomalies dans les comptes nationaux français du premier trimestre.
Tout d’abord, la progression du PIB de 0,6 % dénote avec l’augmentation de seulement 0,3 % de la production industrielle sur la même période. Certes, l’industrie ne représente qu’environ 20 % du PIB français mais son évolution est généralement proche de celle du PIB.
En outre, l’indice d’activité de l’enquête INSEE dans les services s’est effondré au premier trimestre. Or, les services représentant environ 70 % du PIB, cette déconvenue aurait dû transparaître dans les chiffres de croissance, ce qui n’a pas été le cas. Autrement dit, ni l’activité dans les services, ni celle dans l’industrie ne semblent correspondre à la « réalité » décrite par le PIB.
Mais ce n’est pas tout. Car, la contribution positive du commerce extérieur à la croissance tranche également avec la quasi-stabilisation du déficit extérieur sur des sommets historiques. Ainsi, selon les comptes nationaux, la balance commerciale a apporté 0,3 point à la croissance au premier trimestre, mais selon les chiffres des douanes, le déficit de cette même balance commerciale a atteint 11,025 milliards d’euros sur la même période, contre 11,631 milliards au quatrième trimestre 2008.
Et même si l’on sait que le commerce extérieur est mesuré en volume dans le premier cas alors que le déficit extérieur affichée par les douanes est en valeur, un tel écart demeure surprenant. Et ce d’autant que la hausse de l’euro sur la même période a plutôt eu tendance à augmenter la valeur des exportations et à réduire la valeur des importations. Autrement dit, la contribution du commerce extérieur en volume (c’est-à-dire hors effet change) aurait due être négative.
Enfin, quatrième bizarrerie, l’augmentation de 0,6 % du PIB dénote avec la progression de 0,2 % de l’emploi salarié au cours de la même période. Ce dernier enregistre d’ailleurs sa plus faible progression depuis le quatrième trimestre 2006. Après avoir atteint 1,9 % fin 2007, son glissement annuel retombe ainsi à 1,5 %.
Or, si la valeur du PIB reste un calcul statistique complexe et par là même sujet à caution, les créations d’emploi sont généralement beaucoup plus fiables. En outre, si la croissance du PIB a vraiment été de 0,6 % au premier trimestre et que celle de l’emploi n’atteint que 0,2 % sur la même période, cela signifie soit que la productivité a été exceptionnellement forte au premier trimestre, soit que la croissance du début 2008 sera révisée en baisse.
Autrement dit, la faible progression de l’emploi confirme que tout excès d’optimisme sur la croissance française serait déplacé. Et pour cause : si avec une croissance relativement appréciable, l’emploi est moribond, que va-t-il devenir lorsque la croissance va nettement se replier, et ce dès le deuxième trimestre ?
Par ailleurs, il faut noter que l’emploi continue de pâtir d’une nette dégradation dans l’industrie (- 0,4 %). Il ne doit donc sa résistance qu’à la bonne tenue de l’emploi dans la construction (+ 0,8 %) et dans les services (+ 0,4 %). Et encore, il faut noter que, dans ce dernier secteur, le ralentissement commence à s’installer.
Dans ce cadre, lorsque la décélération de l’activité sera plus franche, l’emploi pourrait retrouver une croissance zéro, voire même reculer sur un ou deux trimestres. Cela pèsera évidemment à la baisse sur le pouvoir d’achat, donc sur la consommation qui a déjà particulièrement souffert au cours du premier trimestre.