Les Cassandres vont encore être déçus : annoncée avec fracas depuis des mois, la récession américaine n’arrive toujours pas à sortir de la tête de certains économistes pour devenir réalité.
Ainsi, après avoir déjà augmenté de 0,6 % (en rythme annualisé) au quatrième trimestre 2007, le PIB américain a réédité la même « performance » au premier trimestre 2008. Certes, il ne s’agit que de la première estimation qui pourrait donc être révisée en baisse. Certes, il est clair qu’avec de tels niveaux, la croissance américaine reste molle. Certes enfin, la faiblesse de l’activité devrait encore rester d’actualité au deuxième trimestre.
Cependant, comparativement aux craintes tant répandues de grave récession, voire de dépression, il faut reconnaître que l’économie des Etats-Unis fait mieux que résister. D’ailleurs, même le scénario d’une succession de deux trimestres consécutifs de baisse du PIB (définition technique de la récession) devient de moins en moins probable. Bien entendu et sans surprise, la consommation des ménages en biens durables a chuté de 6,1 % au premier trimestre. De même, l’investissement logement s’est encore effondré de 26,7 %, ce qui porte à 34,2 % son écroulement depuis le quatrième trimestre 2005. Enfin, l’investissement en construction des entreprises a reculé de 6,2 % au premier trimestre 2008.
Mais, une fois ces mauvaises nouvelles soulignées, il faut surtout mettre en exergue la résistance, inattendue par son ampleur, des autres composantes du PIB. A commencer par la consommation dans les services qui a augmenté de 3,1 % au premier trimestre, permettant ainsi à la consommation totale de progresser de 1 % sur la même période.
Parallèlement, en dépit d’une baisse de 0,7 %, l’investissement des entreprises en équipements et logiciels défie les annonces d’écroulement de ces derniers mois. De même, après une forte baisse au quatrième trimestre 2007, la formation de stocks a retrouvé le chemin de la hausse dès le premier trimestre 2008.
Au-delà de la résistance de la consommation, ces deux dernières variations constituent d’ailleurs de sérieux remparts contre la récession. En effet, les vecteurs habituels d’une récession résident dans des mouvements de fort désinvestissement et de déstockage massif, eux-mêmes venant corriger des évolutions préalables de surinvestissement et de surstockage. Or, actuellement, ces mouvements excessifs n’ayant pas eu lieu dans un passé récent, il n’y a aucune raison de voir l’investissement en équipements des entreprises et la formation de stock s’effondrer durablement.
Enfin, comme cela ne cesse de s’observer depuis le deuxième trimestre 2007, l’effet dollar faible continue d’améliorer la contribution du commerce extérieur à la croissance, en soutenant les exportations et en amoindrissant les importations.
Mais les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas là, car la résistance de l’économie américaine a pour le moment été autonome, c’est-à-dire sans soutien de la politique économique. Ainsi, ce n’est seulement qu’à partir de maintenant que la forte baisse des taux d’intérêt de
Dès lors, dans la mesure où il dispose dès à présent d’un acquis de croissance de 1,1 %, nous continuons d’anticiper que le PIB des Etats-Unis progressera d’environ 1,8 % en moyenne cette année pour retrouver la barre des 3 % en 2009.
En revanche, si l’économie américaine résiste et est déjà en train de sortir de la croissance molle, la zone euro s’y enfonce de plus en plus, comme l’a montré encore aujourd’hui la nouvelle baisse de l’indice de sentiment économique qui a atteint en avril des niveaux annonçant une croissance de 1 % pour le troisième trimestre. Nous allons donc bien revivre le triste scénario de 2002-2003 : des Etats-Unis qui se relèvent et une zone euro qui s’affaisse. Merci qui ?
Marc Touati