Les marchés boursiers ont-ils toujours raison ? (E&S n°38)

L’humeur :

Le G7 ne sert décidemment plus à grand chose.

Lors du sommet économique et financier du G7 dernier, une surprise de taille s’est produite : pour l’une des rares fois depuis le début des années 90, les dirigeants économiques et monétaires des soi-disant sept pays les plus riches de la planète ont osé l’impensable : rédiger un communiqué officiel faisant état de leur inquiétude quant à l’évolution excessive des devises internationales…

Dans un premier temps, les marchés des changes ont réagi positivement en stoppant la nouvelle tendance baissière de l’euro/dollar. En deux jours, ce dernier est ainsi passé de 1,59 dollar pour un euro à 1,57. Malheureusement, cette accalmie n’a été que de courte durée. En effet, les membres du G7 ont beau essayer de sauver les apparences, leur impuissance est criante. Et pour cause : tant que la BCE ne baissera pas ses taux, les marchés auront des raisons objectives de spéculer à la hausse sur l’euro, et ce tant contre le dollar mais aussi dernièrement contre la livre sterling.

Cette situation ne fait d’ailleurs que refléter la triste réalité entre une Réserve fédérale et une Banque d’Angleterre qui réagissent et essaient d’éviter le pire et une BCE qui refuse toujours de voir le ralentissement de la zone euro, ignore les risques qui pèsent sur les banques eurolandaises et, par là même, sur la stabilité financière et l’activité économique.

Or, si le G7 appelle avec détermination à une plus grande transparence des banques commerciales, il ne demande rien à la BCE qui, rappelons-le, est la seule banque centrale du monde développé à ne pas publier le contenu des réunions des politiques monétaires, et encore moins l’état des votes. Selon les dirigeants de la BCE, la raison de cette absence est simple : on ne vote pas lors de ces réunions, mais, après discussion, un consensus unanime éclot… A l’évidence, en matière de transparence, il y a du chemin à parcourir.

Dès lors, si le G7 n’a aucun moyen de pression sur la BCE et ne prend même pas la peine de lui demander quoi que ce soit, on voit mal quel pourrait être ses moyens pour infléchir la position de la Chine en matière de change. La Chine est d’ailleurs très claire sur ce point : elle veut que sa devise s’apprécie mais à son rythme et selon sa volonté. Elle ne veut évidemment pas rééditer l’erreur du Japon lors des accords du Louvre et du Plazza, qui avait alors signé son arrêt de fin de croissance forte en appréciant le yen de 260 à 122 yens pour un dollar en moins de trois ans, pour ensuite atteindre 80 yens pour un dollar en 1995. Devant affronter dans le même temps le dégonflement d’une bulle immobilière, bancaire et boursière, l’éclatement d’une crise sociétale ainsi qu’un déclin démographique, le Japon ne s’en est pas remis et ne s’en remettra pas avant bien longtemps.

Plus globalement et au-delà du fait que la Chine ne souhaite pas faire la même erreur et surtout obéir docilement au G7, ce dernier est affecté par une profonde perte de crédibilité. En effet, comment ce dernier peut-il disposer d’un véritable pouvoir s’il ne représente plus les sept véritables premières puissances économiques actuelles. Ainsi, quatrième mondiale dans le classement du PIB en dollars bruts (mais deuxième si on calcule ce PIB en parité de pouvoir d’achat), la Chine est pour l’instant exclue du G7.

Pis, à l’horizon 2015, c’est-à-dire après-demain, le G7 aura une composition très différente de celle d’aujourd’hui. Actuellement, celui-ci est effectivement composé des sept pays suivants, par ordre décroissant de puissance économique (mesuré par le niveau du PIB en dollars bruts) : Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada.

En 2015, en prenant des hypothèses de croissance optimistes pour les pays développés et pessimistes pour les pays émergents (ce qui, convenons-en, va en l’encontre de la situation actuelle), ce G7 devrait être le suivant : Etats-Unis, Chine, Japon, Inde, Allemagne, Russie, Brésil.

La France n’arrivera d’ailleurs qu’en neuvième ou dixième position. Peu importe, dirons certains, nous créerons alors un G10…

En attendant, il est malheureusement clair qu’à l’instar du FMI, le G7 ne représente plus grand chose et n’a surtout plus beaucoup de moyens d’action. Il n’est finalement que l’un des derniers avatars d’anciennes puissances, désormais en déclin, qui n’arrivent même pas à se mettre d’accord pour éviter de sombrer dans la récession, au grand dam des marchés et dans un contexte où les pays émergents continuent sur leur lancée.

Seul inconvénient pour ces derniers, la faiblesse excessive du dollar accroît la spéculation haussière sur les marchés des matières premières et accroît ainsi les risques de disette dans certaines régions du monde émergent, affaiblissant par là même la croissance et la stabilité politique de ces pays, qui auront dès lors plus de difficultés pour rattraper leur retard sur les actuels pays du G7. Du moins c’est peut-être ce que ces derniers s’imaginent…

Marc Touati


 Et les marchés dans tout ça ?

Les marchés boursiers ont-ils toujours raison ?


Avec les fameux « tant qu’on n’a pas vendu, on n’a pas perdu », « vendre au son du clairon et acheter au son du canon », il s’agit certainement de l’un des adages les plus connus sur le front de la finance internationale, à savoir : « les marchés ont toujours raison ».

Au-delà de son sens littéral qui veut que, face à la réalité des marchés, on ne peut pas grand chose sinon subir son dictat, cette phrase signifie également qu’en règle générale, les marchés boursiers anticipent les évolutions économiques futures.

Ainsi, on observe que généralement, lors des phases de récession américaine, les cours boursiers rebondissent environ deux trimestres avant la sortie de crise.

Le raisonnement induit est finalement assez simple : les cours boursiers doivent normalement refléter l’évolution future des profits, en données actualisées, c’est-à-dire divisés par (1+i)n, i étant le taux d’intérêt et n la période de détention des actions.

Or, en période de récession, la réduction des coûts fait rage dans les entreprises, leur donnant par là même une marge de manœuvre supplémentaire pour relancer leurs profits.

Parallèlement, lors de ces tristes périodes, les taux d’intérêt monétaires et obligataires sont généralement orientés à la baisse, générant ainsi une appréciation haussière des cours boursiers. Cette dernière est non seulement liée à la croissance future que cette baisse des taux suscitera mais aussi au fait qu’en baissant, les taux d’intérêt augmentent la valeur actualisée des profits futurs (le dénominateur baisse, donc le ratio Profit/(1+i)n augmente).

Simplifiant volontairement (et de manière à les rendre plus intelligibles) les mécanismes boursiers, voilà donc pourquoi les marchés ne peuvent avoir tort et anticipent toujours avec quelques trimestres d’avance la sortie de récession et, réciproquement, la décélération économique.

Néanmoins, les marchés sont loin d’être parfaits et, comme souvent, la théorie est régulièrement dépassée par la réalité. Ainsi, comme le montre le graphique ci-après, le Dow Jones n’est pas forcément un indicateur avancé de la croissance américaine mais plutôt un indicateur coïncidant.

Parfois même, les marchés se trompent et n’anticipent aucunement les variations économiques. Ainsi, lors du krach d’octobre 1987, le Dow Jones va plonger, laissant anticiper par là même une récession pour 1988, qui a pourtant consacré une croissance particulièrement forte tant aux Etats-Unis qu’à travers le monde.

En 1990-91, l’évolution du Dow Jones va également suivre celle du PIB américain sans véritablement l’anticiper. Pis, en 1991-92, le Dow Jones va quasiment stagner alors que la croissance américaine redémarre fortement.

En 1995, le Dow Jones va subitement baisser dans le sillage d’un krach obligataire, alors que la croissance américaine va nettement redémarrer en 1996. De même, lors de la crise asiatique de la fin 1997, le cours des actions va chuter alors qu’en 1998, la croissance va atteindre 4 %.

Symétriquement, lors du krach de 2001-2003, ce n’est qu’une fois la récession entamée que le Dow Jones va fortement baisser. De même, il va poursuivre sa baisse jusqu’en 2003, alors que la croissance a redémarré dès 2002 outre-Atlantique.

Les marchés anticipent-ils vraiment l’avenir économique ?

Enfin, plus dernièrement, le Dow Jones ne va absolument pas anticiper la crise des subprime, mais réagir après-coup. Si bien qu’aujourd’hui, il se rattrape et réagit excessivement à la baisse, une baisse qui reste d’ailleurs contenue comparativement aux craintes de grave récession annoncées ici ou là.

Autrement dit, le rôle anticipateur des marchés boursiers est loin d’être parfait. A fortiori actuellement, c’est-à-dire dans le cadre d’une crise de confiance qui montre que les marchés et les investisseurs nagent en pleine incertitude et ne réagissent ainsi qu’avec retard.

Dans ce cadre, il est possible d’anticiper que le Dow Jones continuera d’évoluer en fonction des statistiques du présent, voire du passé et n’anticipera que modérément l’avenir.

C’est pourquoi, la volatilité des principaux indices boursiers internationaux devrait rester forte jusqu’à septembre prochain. Par la suite, grâce à la confirmation du redémarrage progressif de l’économie américaine, à la remontée du dollar et, par là même, à la modération de la spéculation haussière sur les cours des matières premières, les investisseurs devraient retrouver leur sang-froid et revenir sur les marchés boursiers. Et ce, d’autant que la baisse des taux de la Fed agit d’ores et déjà comme un soutien de poids tant pour l’économie que pour les actions américaines.

En conclusion, ne prenons pas trop les adages du passé comme des vérités absolues et surtout sans les avoir vérifiées empiriquement.

Marc Touati


Les évènements à suivre du 21 au 25 avril :

Le climat des affaires se replie en France et en Allemagne.


Cette semaine économico-statistique sera particulièrement calme, avec seulement une statistique déterminante outre-Atlantique, les commandes de biens durables qui devraient rebondir en mars (jeudi) et une autre outre-Rhin, le climat des affaires de l’enquête IFO (également jeudi), qui devrait reculer en avril.

En France, on notera notamment la consommation des ménages de mars et l’enquête INSEE dans l’industrie. Dans les deux cas, la baisse sera au rendez-vous.

 

Quels impacts prévisibles des statistiques et évènements de la semaine sur les marchés :

 

 

 

 


Les prévisions économiques et financière d’ACDEFI :