A l’heure où le monde regarde son assiette, le partage du gâteau « Mondialisation » soulève des haut-le-coeur. Dans les rayons débordants de nos supermarchés, nous nous emportons devant le prix de la plaquette de beurre allégé en matières grasses, devant le renchérissement du paquet de tagliatelles au blé complet, devant la « valse des étiquettes » de la brick de lait demi-écrémé enrichi aux oméga 3.
Pour d’autres, le panier à provisions est désespérément vide. Acheter du blé, du riz, du maïs, de l’huile… est un luxe tant les prix se trouvent désormais dé-correllés du pouvoir d’achat de pays en développement tels que Haïti, l’Egypte, l’Ethiopie, Madagascar, les Philippines… où l’on assiste aux premières « émeutes de la faim ».
La « crise alimentaire » menace. Au vu des considérations humanitaires et politiques qui sont en jeu, les grands de ce monde ont multiplié ces derniers jours les initiatives pour apporter fonds et aide logistique aux populations les plus démunies.
Au-delà de l’urgence, cette situation appelle à une révision complète du système agricole mondial. Et si cette « crise alimentaire » sans précédent était l’aiguillon qu’il manquait à l’Organisation Mondiale du Commerce pour faire aboutir le cycle de négociations de Doha, depuis des années enlisé dans le bourbier même de la question agricole ?
L’objectif de Doha était pour l’essentiel de favoriser l’accès aux pays riches des produits agricoles des pays en développement afin de créer des flux de revenus pour le Sud, à condition toutefois que les pays du Nord daignent bien abandonner quelques privilèges – c’est toute la tempétueuse question d’une agriculture subventionnée et protégée.
Cette crise est la preuve, s’il en fallait, que la stratégie mal engagée à Doha est loin d’être
L’ère du multilatéralisme dogmatique semble avoir vécu. D’aucuns prédisent, dans la foulée de la crise financière, le retour à une certaine forme de protectionnisme et une « re-responsabilisation » des Etats Nations – en cela, les leçons de la titrisation financière qui, éparpillant les risques, les a démultipliés au lieu de les réduire devraient être tirées. Il ne faut plus compter sur quelques élèves vertueux pour sauver les apparences et maintenir en place un édifice par essence scabreux. Seule l’addition des bons comportements saurait être bénéfique à l’ensemble de la construction économique.
Seule une coopération compréhensive mais lucide saurait aider les pays du Sud qui ne parviennent plus à l’autosuffisance alimentaire. « On ne doit pas laisser l’alimentation des gens, question vitale, à la merci des seules lois du marché et de la spéculation internationale », clame le ministre français de l’Agriculture Michel Barnier qui plaidera à Bruxelles pour une « initiative européenne pour la sécurité alimentaire » dans le monde et une réorientation vers l’agriculture de l’aide publique au développement, dont l’enveloppe malheureusement s’amenuise année après année.
A l’OMC, Paris entend bien faire entendre sa voix en faveur d’une Europe « puissance agricole forte » capable de « produire d’abord pour nourrir ». Une façon très diplomatique de tendre la main aux pays pauvres et de faire un pied de nez au conservatisme américain en matière de protection de leur agriculture nationale sans trahir la position tricolore vis-à-vis de
Quand bien même, les mentalités changent. Et la libéralisation tant décriée est en marche. Pour de diverses raisons, l’UE et les Etats-Unis sont de moins en moins généreux avec leurs exploitants. L’OMC semble moins bornée quant au maintien de certains droits de douane pour les pays en développement afin qu’ils protègent les produits dits « sensibles ». Après des mois de paralysie, l’organisation a accouché de quelques mesures en début d’année. Elle doit réunir ses membres en mai pour enfin, peut-être, aller de l’avant.