Croissance espagnole : Zapatero met le paquet… tant qu’il peut

3,8 % de croissance l’année dernière mais 2,2 % et 2 % prévus pour 2008 et 2009[1]. 2,8 % d’inflation en 2007 mais 4,1 % attendus cette année. Un chômage à 8,8 % d’après les derniers chiffres et qui pointe vers la barre des 10 % pour 2009. Un déficit courant qui est tombé à – 134 milliards de dollars pour 2007.

Les perspectives se sont assombries pour l’économie ibérique qui, jusque là, enchaînait les années d’euphorie économique et narguait ses voisins européens. Mais, en Espagne, le ralentissement pourrait frôler le « crash », ce que veut à tout prix éviter José Luis Rodriguez Zapatero, qui a conservé son siège de chef de l’exécutif. Si son bilan est plutôt bon, sa nouvelle mandature s’ouvre sous des auspices difficiles.

Qu’importe, Zapatero a décidé de se retrousser les manches et a énuméré, lors de son investiture, toute une série de mesures « airbag » destinées à parer un coup de frein brutal.

Premier secteur visé : la construction qui a été le moteur de l’économie ibérique ces dernières années (16 % du PIB et 20 % de l’emploi) et dont la bulle se dégonfle, les chantiers tournant au ralenti, les grues, qui avaient poussé comme des champignons dans le ciel, se retrouvant au « chômage technique ». Et, par effet de contagion, le chômage touchant les employés du secteur – la banque espagnole BBVA table sur la destruction de 330 000 à 440 000 postes sur les deux prochaines années, dont des dizaines de milliers de travailleurs africains et latino-américains.

Or ce n’est pas le moment pour Madrid de s’attirer le mécontentement de la population. Cette dernière subit déjà de plein fouet une inflation marquée, une immigration parfois mal acceptée et des difficultés importantes pour se loger. Parmi les mesures immédiates prônées par Zapatero : la construction de logements sociaux, le développement du marché de la location et un vaste plan de reconversion pour les employés du BTP voire un système d’aides au retour pour les immigrés qui perdront leur emploi.

La question du pouvoir d’achat est également dans tous les esprits de l’autre côté des Pyrénées. Le gouvernement a prévu de nombreux efforts à ce sujet : une déduction de 400 euros pour tous les contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu, la suppression de l’impôt sur la fortune, la modernisation des impôts sur les successions et les donations, l’extension du délai de remboursement des emprunts immobiliers pour les familles les plus en difficulté – crédits qui ont pris 40 % en un an -, des indemnités logement de 200 euros pour les jeunes, des aides portées 300 euros pour les demandeurs d’emploi sans protection, une augmentation des pensions de retraite et des bas salaires – le salaire minimum sera porté à 800 euros d’ici à 2012, la retraite minimale à 850 euros. Autant de mesures destinées à relancer la consommation intérieure et à alimenter la croissance.

En Espagne, pas question de saboter les promesses sociales. A sa décharge, Madrid a les moyens de ses ambitions, pas comme Paris. Le gouvernement Zapatero pourra en effet compter sur les réserves budgétaires accumulées ces dernières années sous forme d’excédents des comptes publics – environ 25 milliards d’euros, soit 2,2 % du PIB -, un luxe que « peu de pays peuvent s’offrir », a bien reconnu le leader socialiste.

Du coup, l’optimisme reste de mise dans la péninsule ibérique. Certes la croissance devrait ralentir mais les difficultés économiques ne seront qu’une simple « parenthèse » circonscrite à la « première phase de la législature », estime-t-on.

D’ici deux ans, Madrid compte bien sur une nouvelle dynamique féconde de l’emploi – le gouvernement vise la le retour de la croissance création de deux millions d’emplois sur quatre ans – et sur le retour de la croissance qui marquait le début de la décennie.

Mais d’ici deux ans, au rythme annoncé, les caisses de l’Etat se seront vidées pour payer les « cadeaux sociaux » du gouvernement. Si l’économie ne va alors pas mieux, cela devrait faire très mal.

 

Alexandra Voinchet



[1] Prévisions d’ACDEFI