Après la vague rose des élections municipales, elle-même suivie d’une forte poussée à gauche aux cantonales (la gauche détient désormais 58 conseils généraux contre 43 à la droite), le Président est dans l’obligation de réagir rapidement pour reconquérir l’opinion. Valery Giscard d’Estaing en 1977 et Lionel Jospin en 2001, n’ayant pas tiré les enseignements de leurs défaites aux municipales, avaient été sanctionnés lors des présidentielles de 1981 et de 2002 … Nicolas Sarkozy a donc réagi, mais à dose bien homéopathique pour un mal qui demande une véritable intervention chirurgicale !!
En effet, on observe un mini remaniement gouvernemental avec 6 nouveaux secrétaires d’Etat et quelques innovations ( la famille, la révolution numérique ). Le Président a renforcé dans leurs fonctions Christine Lagarde et Jean Louis Borloo. Comme c’était prévisible, il a renoncé à sa stratégie d’ouverture qui n’avait pas porté de fruits politiquement. Exit donc Jack Lang et Claude Allègre dont les noms avaient été avancés avant les élections.
Enfin, Nicolas Sarkozy a procédé à quelques réajustements à l’Elysée, comme la suppression du poste de porte parole et l’éviction de son titulaire David Martinon. Ce départ a surtout une portée symbolique puisqu’il tourne la page de la période Cécilia (qui avait poussé cette nomination) et clôt le malheureux épisode de
Afin de trouver les bonnes solutions, il faut analyser en profondeur les raisons de la disgrâce présidentielle. Tout d’abord, Nicolas Sarkozy a usé de la magie du verbe et d’un talent indéniable pour apparaître comme l’homme providentiel capable de rompre avec le passé et de remettre la France d’aplomb. Très bon sur la forme, il s’est en revanche beaucoup trop avancé sur le fond et ne peut plus tenir la plupart de ses promesses (du moins à court terme). Il doit donc redescendre sur terre et faire face aux impatiences et aux déceptions de nombreux Français auprès de qui il avait suscité un énorme espoir. Le Président souffre manifestement d’une carence de résultats et affirmer aux Français que le « rendez vous est dans 5 ans » n’est pas de nature à rassurer l’opinion … Le « Président du pouvoir d’achat » qui avoue son impuissance (« les caisses sont vides ») après quelques mois au pouvoir, cela fait désordre … Tant que Nicolas Sarkozy ne s‘attaquera pas aux vrais problèmes: la pression fiscale qui pénalise la compétitivité des entreprises, des dépenses publiques (notamment de fonctionnement) beaucoup trop importantes, il ne sera pas prêt de redresser la barre et de remettre le pays sur la voie de la croissance.
Ensuite, le Président paye au prix fort son mode d’exercice du pouvoir (sur médiatisé, ostentatoire, terre à terre). Comme l’affirmait un sénateur, il «a essayé d’adapter la fonction à lui même et non pas lui même à la fonction».
Mais peut–il vraiment changer ? C’est à dire prendre de la hauteur, se faire plus discret, se maîtriser, en substance endosser les habits présidentiels en respectant la dignité de la fonction ?
L’actualité nous montre que Nicolas Sarkozy s’est bel et bien attelé à cette tâche: déplacement au Maroc sur Royal Air Maroc (et non plus en jet privé), retour aux fonctions régaliennes (hommage au dernier poilu et inauguration du sous-marin nucléaire « le Terrible » ) . Néanmoins, cela risque d’être extrêmement dur pour celui qui avait par le passé affirmé à plusieurs reprises avoir changé, avec les résultats que l’on connaît …
Sans remettre en cause la bonne volonté présidentielle, l’histoire nous prouve qu’il est malheureusement quasiment impossible pour un homme politique de changer sa nature profonde. Deux exemples significatifs: Edouard Balladur, raide et compassé, dont on a voulu complètement changer l’image entre les deux tours de la présidentielle de 1995 (descente dans le métro, danse sur les tables …), puis Valery Giscard d’Estaing, monarque distant et snob, qui avait convié les éboueurs à l’Elysée et s’invitait à dîner chez les Français. Tous deux connurent des lendemains difficiles …
Nous ne croyons donc pas à une métamorphose de Nicolas Sarkozy sur la forme, tout au plus et dans le meilleur des cas parviendra-t-il à sauver épisodiquement les apparences grâce à son équipe de communicants.
Il semble donc que le Président entame une longue traversée du désert et que le passionné de jogging qu’il est s’apprête à courir longtemps derrière l’opinion.
La phrase de la semaine:
C’est l’histoire du scorpion qui monte sur le dos d’une grenouille : « Pourquoi me piques-tu alors qu’on va mourir tous les deux ? » lui demande la grenouille. Réponse du scorpion : « Parce que c’est ma nature. » D’un élu dont le verdict sur le Président est : « Nicolas Sarkozy ne peut pas s’en empêcher. C’est sa nature ».
Jérôme Boué