Rigueur, croissance et bulle immobilière en France : chaud devant ! (E&S n°34)

L’humeur :

Réformer sans rigueur mais avec vigueur !

Les élections municipales passées, le gouvernement français n’a désormais plus d’excuses (à compter que les municipales en fussent une) pour ne pas s’engager (enfin !) dans la rupture tant annoncée et pour l’instant largement oubliée. Certes, quelques réformettes ont bien été menées, mais leur impact sur la croissance structurelle de l’économie française reste particulièrement faible et/ou ont été obtenues aux prix de concessions fort coûteuses.

Ainsi, dire (comme l’ont fait à maintes reprises de nombreux ministres) que la suppression de l’imposition des successions a ou va fortement relancer la croissance et redonner confiance aux ménages notamment les plus modestes tient de la gageure. D’abord parce que tous les Français n’ont pas eu le malheur (ou la chance, dans l’optique gouvernementale de soutien à la croissance…) de subir un décès de ses proches parents dans les derniers mois, mais aussi parce que les successions étaient déjà défiscalisées à hauteur de 76.000 euros pour les conjoints et de 50 000 pour les enfants. Or, la probabilité de trouver des ménages modestes qui recevraient des héritages par personne supérieurs à ces sommes est particulièrement faible. De même, mettre en exergue la pseudo-réforme des régimes spéciaux est un peu osé, notamment lorsque l’on sait qu’elle coûtera plus chère à la SNCF que l’ancien système.

Bref, la rupture n’est vraiment pas là. Les mauvaises langues diront alors que si, fort de son succès aux Présidentielles, Nicolas Sarkozy n’a pas tout de suite engagé des réformes massives, ce n’est pas maintenant, au plus bas dans les sondages et encore affaibli par des élections municipales difficiles, qu’il va s’y atteler. Et ce, d’autant que, plus les mois passent, plus la croissance reste molle et plus le déficit public risque d’atteindre la barre des 3 % du PIB cette année. Ce qui ferait évidemment désordre alors que la France va prendre la Présidence de l’Union Européenne en juillet prochain. C’est d’ailleurs ce qui a amené certains à annoncer la nécessité et par là même l’imminence d’une rigueur dans l’Hexagone.

Telle n’est ni notre recommandation ni notre prévision. En effet, s’engager dans une rigueur, par exemple en augmentant la CSG ou autres, serait suicidaire. Non seulement pour la cote de popularité des dirigeants français, mais surtout pour l’économie hexagonale. Déjà particulièrement affaiblie, cette dernière ne s’en remettrait pas et sa croissance tomberait vers les 1 %. Ce qui ne manquerait évidemment pas d’aggraver le pessimisme des ménages, mais aussi des entreprises, faisant peser de graves risques sur la stabilité sociale du pays. Bien loin de ce triste scénario (qui n’est certes pas impossible), nous soutenons qu’il est tout à fait envisageable de réformer en profondeur l’économie française sans rigueur mais au contraire en relançant cette dernière. Car il est clair que, sans relance, la croissance ne repartira pas de sitôt.

Pour ce faire, il suffit d’agir sur ce qui casse l’économie hexagonale depuis des décennies, en l’occurrence l’excessive pression fiscale qui pèse sur les entreprises et les ménages dans leur ensemble. En effet, n’oublions pas que les prélèvements obligatoires représentent 45 % du PIB français, soit 4 points de plus que la moyenne de la zone euro. Dès lors, si l’on veut simplement s’ajuster sur la situation de base de nos proches partenaires, il faut réduire la pression fiscale d’environ 60 milliards d’euros au plus vite. Impossible ? Loin s’en faut. Il suffit de le vouloir. Car, bien entendu, à dépenses inchangées, une telle stratégie se traduirait par un creusement massif de notre déficit public. Voilà pourquoi, en plus de baisser la pression fiscale pour tous (les entreprises, les ménages, favorisés et modestes), il faudra dans le même temps réduire drastiquement la dépense publique.

Et ce non en réduisant les dépenses de santé, mais simplement en introduisant une certaine efficacité des dépenses publiques au sens large. A commencer par les dépenses de fonctionnement qui, au cours des six dernières années, ont augmenté d’environ 12 milliards d’euros par an. Ce qui signifie que si de telles sommes avaient été économisées, la puissance publique aurait disposé d’une « cagnotte » de l’ordre de 70 milliards d’euros, soit un peu plus que le trop plein fiscal dont souffre la France.

Mais c’est justement là que le bât blesse : depuis des années, pour ne pas dire des décennies, nos différents gouvernements nous ont tous assurés que les dépenses de fonctionnement n’augmenteraient plus ou du moins pas plus que l’inflation. Or, non seulement elles augmentent en valeur, mais aussi en volume (c’est-à-dire sans inflation). Autrement dit, tant que nos dirigeants n’auront pas le courage de dire aux Français la vérité, mais aussi de leur donner du grains à moudre (d’où la nécessité de baisser la pression fiscale pour tous, seul moyen crédible d’augmenter aujourd’hui le pouvoir d’achat des citoyens), tout en réduisant les dépenses de fonctionnement de toutes les administrations publiques, l’économie française sera bloquée.

Arrêtons donc de dire que les Français ne sont pas prêts pour les réformes, car dans leur grande majorité, ils le sont. En revanche, tel est loin d’être le cas pour la classe politique française, toutes couleurs confondues. Espérons donc qu’un jour, cela changera et que le courage politique prendra le pas sur les contingences politiciennes et le dérapage « souhaité » (par beaucoup plus de personnes qu’on ne croît) des dépenses publiques. L’espoir fait vivre…

Marc Touati


L’analyse économique de la semaine :

Espagne : Vers des lendemains difficiles ?


Après la période d’euphorie qui a touché les pays développés (à l’exception de l’Allemagne et du Japon ), la fête est finie pour l’immobilier .En Espagne  la spéculation immobilière encouragée par des taux d’emprunt (variables)  excessivement  bas  abaissant les mensualités et poussant les ménages à s’endetter  et à acheter à prix fort  à provoqué une bulle immobilière (hausse rapide de la valeur des biens immobiliers sans rapport avec de nombreux fondamentaux économiques comme les salaires ou le rendement locatif).

C’est la fin des vaches grasses pour la péninsule ibérique qui doit faire face au renchérissement du loyer de l’argent et au resserrement des conditions de crédit. Le taux des crédits immobiliers est proche des 5 % alors qu’il était tombé sous les 3% entre 2002 et 2006. De fait la demande de prêts n’affiche plus qu’une croissance de 15 %  alors qu’elle avait grimpée jusqu’a 27 %. La bulle immobilière Espagnole se dégonfle et  les ventes de logements se sont effondrées l’année dernière de 30 a 50% selon les régions.

L’endettement total du secteur est estimé à 292 milliards d’euros (soit une hausse de 35 % par rapport à 2007) . Les promoteurs lourdement endettés  revoient donc à la baisse leurs projets, et le marché des logements neufs qui était de 700 000 unités en 2006 est passé à 600 000 l’an dernier et devrait chuter à  450 000 dans  les deux prochaines années . On constate donc une nette baisse des mises en chantier ainsi que des permis de construire.

C’est la fin d’une période de forte croissance qui depuis l’an 2000 évoluait à un rythme deux fois plus élevé que la moyenne de la zone Euro. Cette croissance était principalement tirée par la consommation des ménages dans un contexte d’euphorie immobilière.

Ce dégonflement de la bulle immobilière pèsera bien évidement sur l’activité du secteur mais aussi de manière plus générale  sur les dépenses des ménages du fait de l’essoufflement de l’effet de richesse.

La fragilisation du pays ne provient pas tant d’une exposition aux subprimes ou d’une dépendance aux Etats-Unis (comme certains l’affirment) que d’un modèle de croissance basé sur la construction, les services financiers et la facilité de crédit aux ménages (en 2006 les espagnols devaient à leurs banques 700 000 millions d’euros en crédits). En effet, la croissance espagnole, trop dépendante de la construction et de la consommation à crédit, paye désormais ses excès immobiliers et l’endettement excessif des ménages dont les dettes avoisinaient les 832 289 millions d’euros à la fin de 2006 soit une croissance de 18,53% par an. Actuellement les crédits des ménages espagnols représentent 140% des revenus contre 100% en Allemagne et 70% en France.

La bulle immobilière en voie de dégonflement.

Ainsi, l’Espagne subit de plein fouet le cocktail explosif conjuguant les effets de la fin du boom de l’immobilier et du resserrement du crédit affectant la consommation des ménages.

Pourra t-elle compter sur d’autres relais de croissance ?

Malheureusement, face à la chute de la demande intérieure, le pays ne pourra pas compter sur ses exportations ! En effet, à l’inverse des Etats Unis qui profitent de la faiblesse du dollar, du Japon qui bénéficie d’un yen compétitif  et de produits high tech, et de l’Allemagne qui tire avantage de ses biens d’équipement sophistiqués, l’Espagne subira de plein fouet les effets de la raréfaction des crédits (les banques étant beaucoup plus prudentes) et de l’euro fort (merci monsieur Trichet !).  

Dans le peloton de tête  de la zone euro depuis une dizaine d’année, l’Espagne, qui avait atteint 3.8% de croissance en 2007, pourrait rejoindre le clan des pays à croissance molle où évoluent la France, l’Italie et le Portugal. En effet,  la péninsule ibérique devra  faire face aux effets du dégonflement de sa  bulle immobilière conjugué à un déficit extérieur supérieur à 100 milliards d’euros. Le pays subira  un net ralentissement de sa croissance, qui pourra avoisiner les 2% cette année. 

Néanmoins, l’Espagne pourra compter sur des finances publiques équilibrées. En effet, le pays bénéficie d’un excédent des comptes publics représentant 2 % du PIB. De fait, ce pays est un des rares pays européens à pouvoir pratiquer une relance à l’américaine en utilisant l’arme budgétaire pour baisser les impôts et faire repartir la demande intérieure. Certes, mais pour combien de temps ?

Jérôme Boué



Et les marchés dans tout ça ?

La fin de la bulle immobilière française c’est maintenant !


Il y a environ deux ans, nous annoncions qu’une bulle immobilière s’était formée dans l’Hexagone et qu’elle ne pouvait donc que se dégonfler dans les deux à trois années à venir.

A l’époque, cette prévision avait fait grincer beaucoup de dents et, soyons francs, n’était pas vraiment prise au sérieux, en particulier dans les milieux de la promotion immobilière. Forcément, annoncer que les prix vont baisser n’est pas très vendeur pour un promoteur ou un revendeur.

Aujourd’hui, la donne a radicalement changé et même les professionnels de l’immobilier reconnaissent que non seulement les prix n’augmentent plus en moyenne, mais également que, dans certains cas, ils baissent.

Malheureusement et même si nous ne prévoyons pas de krach, cette tendance baissière devrait se prolonger dans les prochains trimestres.

En effet, une bulle est un phénomène de décalage cumulatif et auto-entretenu entre la valeur financière d’un actif et sa valeur réelle. Autrement dit, la hausse des prix, aussi forte soit-elle, n’est pas forcément synonyme de bulle pour peu qu’elle soit à l’aune de l’augmentation de la valeur réelle de l’actif en question.

C’est bien là que les difficultés commencent. Car, comment trouver la valeur réelle de l’immobilier français ou du moins une approximation ?

Ainsi, ceux qui réfutent encore l’existence d’une bulle immobilière en France avancent que les prix des logements londoniens sont deux à trois fois plus élevés que ceux de Paris. D’autres soulignent que l’augmentation de la natalité ainsi que l’accroissement des divorces soutiendront la demande et donc les prix. Soit.

Ces arguments doivent néanmoins être relativisés par le fait que les salaires et le niveau de vie à Londres sont deux à trois fois supérieurs à ceux de la région parisienne. De même, compte tenu de la faiblesse du pouvoir d’achat des Français et de la forte hausse de la construction de logements sociaux (ce qui est certainement louable), rien ne garantit que la progression de la natalité et des divorces se traduira par des achats de logements. Surtout lorsque l’on sait qu’en France un bébé sur trois naît actuellement dans une ZUS (une Zone Urbaine Sensible).

Dans ce cadre, la donnée déterminante réside dans l’évolution de la richesse créée en France. Et ce d’autant que, comme le montre le graphique ci-après, il existe une très forte corrélation sur longue période entre les prix des logements anciens et l’évolution du PIB en valeur (c’est-à-dire augmenté de l’inflation). Ce dernier semble donc bien constituer une bonne approximation de la valeur réelle de l’immobilier en France.

Ainsi, de 1984 à 1991, les prix des logements anciens avaient augmenté de 210 %, contre une hausse de 65 % du PIB en valeur, soit un rapport de 1 à 3,5. Huit ans plus tard, cet écart était ramené à zéro, via une baisse de 40 % des prix de l’ancien.

La bulle s’essouffle déjà.

Aujourd’hui, l’écart entre ces deux grandeurs est de 1 à 4, soit encore plus que lors de la précédente bulle immobilière. Evidemment, l’actuelle bulle n’est pas la même qu’en 1991, elle est notamment moins spéculative. Néanmoins, la réalité est là : les prix des logements anciens ont beaucoup trop augmenté par rapport à leur valeur réelle.

Dans ce cadre, il n’y a plus de doute : les prix doivent baisser. Certes, ils ne s’effondreront pas, en particulier parce que les taux d’intérêt restent relativement modérés et que les mesures de défiscalisation des intérêts d’emprunts permettront de limiter la casse.

Certes, les biens rares parisiens ou sur la côte d’azur, principalement achetés par des fortunés étrangers, ne subiront pas de forte dépréciation.

Cependant et une fois encore, la réalité de la demande nationale est sans appel : ainsi, la demande de logements neufs atteint aujourd’hui des plus bas depuis 1996.

De même, les mises en chantier de logement et les permis de construire affichent des baisses impressionnantes : – 31,9 % depuis juin pour les premières et – 29,1 % depuis mars pour les seconds !

Or, comme nous l’a rappelé la crise immobilière américaine, ces deux variations constituent généralement de bons indicateurs avancés de la baisse des prix.

En outre, spécificité française, les programmes de défiscalisation Perissol, Robien… commencent à arriver à échéance, ce qui augmentera l’offre, alors que la demande est en train de se replier.

Nous allons donc simplement devoir faire face à la traditionnelle loi de l’offre et de la demande.

Voilà pourquoi, nous anticipons que les prix des logements anciens devraient baisser de 10 à 15 % dans les deux années à venir. Seule consolation possible : cette évolution devrait permettre de relancer l’appétence pour les placements boursiers…

Marc Touati


Les évènements à suivre du 17 au 21 mars :

La Fed ira jusqu’au bout…