Municipales : Sarkozy joue contre son camp.

A une semaine des municipales, de nombreux candidats se démarquent du Président en insistant sur le caractère local de l’élection. Il est vrai qu’actuellement, Nicolas Sarkozy apparaît davantage comme un handicap que comme un atout dans son propre camp.

 

Sur la forme tout d’abord, le Président accumule les maladresses, alimentant ainsi les critiques. L’épisode du stylo de marque réclamé à ses hôtes lors d’un déplacement en Roumanie et le dérapage verbal au salon de l’agriculture ont un effet désastreux sur son image. Ce dernier incident est extrêmement symbolique. En effet, il fait resurgir le spectre du Président brutal qui ne sait pas se contrôler, image d’ailleurs relayée par une grande partie de ses opposants lors de la campagne présidentielle.

Parmi eux, Ségolène Royal, à qui Nicolas Sarkozy avait fait la leçon sur le thème de la maîtrise de soi pendant le débat d’entre deux tours. Morceaux choisis : « Pour être Président de la République, il faut être calme », « vous vous mettez bien facilement en colère et vous sortez de vos gonds avec beaucoup de facilité, Madame », « c’est une question de conception de la politique, il faut savoir garder son calme et ses nerfs et utiliser des mots qui ne sont pas des mots qui blessent, parce que quand on emploie des mots qui blessent, on divise son peuple alors qu’il faut le rassembler… ». Jacques Chirac, accueilli en vedette lors de son passage au salon de l’Agriculture, mettra encore plus en relief le manque de maîtrise de soi dont a fait preuve Nicolas Sarkozy. Sur ce point, la rupture avec la chiraquie est bien réelle !

Sur le fond, le Président tente de « sauver les meubles » et se retranche sur les fondamentaux qui ont marqué sa campagne : sécurité (mesure sur la rétention de sûreté), immigration (déclaration sur le droit du sol à Mayotte), et enfin le pouvoir d’achat. Sur cette dernière thématique, le Président, tel Robin des Bois, part en croisade contre la vie chère et les abus des industriels et des distributeurs en matière de hausse des prix. Il devrait néanmoins rester prudent sur ce sujet du fait de son expérience malheureuse en 2004 alors qu’il était ministre de l’Economie. Plutôt que de se lancer dans une politique économique dirigiste, le Président devrait surtout favoriser le jeu et le bon fonctionnement de la concurrence en luttant contre les dérives (abus de position dominante, entente illicite …).

 

C’est vraiment sur le terrain économique que le bât blesse. Malheureusement pour le Président, la conjoncture mondiale est de plus en plus tendue (un euro à 1,52 dollars, baril de pétrole supérieur à 100 dollars). Le gouvernement devra se passer de l’un de ses derniers atouts : les bons chiffres de l’emploi. Le nombre de demandeurs d’emploi s’est accru de 13200 (+0,7%) en janvier… Le gouvernement a beau affirmer que cette hausse est conjoncturelle et que la tendance longue est à la baisse, il est certain que les Français en seront affectés. D’ailleurs, selon l’INSEE, le moral des ménages a atteint un record historiquement bas en Février 2008 (à -35). Enfin, la consommation des ménages, principal moteur de la croissance en France, est en baisse (-1,2% en janvier 08). Bref, la plupart des indicateurs sont dans le rouge.

Néanmoins, et c’est un paradoxe, Nicolas Sarkozy ne risque rien personnellement, puisque le calendrier des législatives est calqué sur celui des présidentielles, évitant ainsi tout possibilité de cohabitation. De fait, les Français ne pourront manifester leur mécontentement envers le Président que lors d’élections locales. Les élections municipales ne seront donc vraisemblablement pas une victoire pour la gauche, mais plutôt une défaite pour la droite. En résumé, le Président apparaît de plus en plus comme un joueur de poker qui aurait « bluffé » pendant la campagne (« je serai le président du pouvoir d’achat », « j’irai chercher la croissance avec les dents »). Les Français ont payé de leurs voix pour voir son jeu, mais alors qu’il doit abattre ses cartes, il semble qu’il ait bien peu d’atouts en main (« les caisses sont vides ») … Au final, c’est probablement la gauche et les extrêmes qui rafleront la mise.

 

 

La phrase de la semaine:

La démocratie, c’est le droit légitime à la critique et la liberté d’expression sur ce que font les dirigeants politiques. C’est pour moi essentiel […] Mais, au nom de la liberté, je peux aussi dire mon indignation personnelle sur l’acharnement dont est victime notre Président de la République.” Patrick Devedjian

rôme Boué