Noir c’est noir ! Qu’ils soient Français, Américains, Européens, la plupart des investisseurs, gérants, économistes, analystes et autres acteurs des marchés apparaissent unanimes : 2008 sera une année de récession, de crise bancaire, de déprime boursière, voire pour certains de dépression au moins aussi forte qu’après le krach de 1929. Bref, à les entendre, il n’y a qu’une chose à faire : prendre neuf mois de vacances et revenir en 2009 quant tout ira mieux…
Ce qui est particulièrement intéressant réside dans le fait qu’il y a un peu plus d’un an, ce même consensus annonçait que tout allait bien et que nous étions proches de la surchauffe : la croissance devait rester forte, les banques étaient solidement ancrées sur le chemin des forts profits et les prix immobiliers n’avaient aucune raison de baisser… Ce qui était donc encensé hier se retrouve brûlé aujourd’hui. Pis, tout est prétexte à pessimisme et les bonnes nouvelles, certes très relatives dans le sombre contexte actuel, sont occultées.
Bien entendu, il serait absurde de se voiler la face et de pas prendre la mesure des dangers qui menacent la planète économique mondiale. Oui, la croissance américaine ralentit. Oui, le baril à 100 dollars ne sera pas sans effets sur l’inflation et la croissance. Oui, les banques internationales n’ont pas fini de provisionner et de sortir des cadavres de leurs placards. Oui, les nombreuses bulles immobilières disséminées à travers le monde développé se dégonflent une à une. En d’autres termes, 2008 ne sera effectivement pas une bonne année tant en termes de croissance mondiale que de performances boursières et immobilières.
De là à imaginer que le système capitaliste va s’écrouler et que nous sommes à la veille d’une profonde dépression, il y a néanmoins un grand pas, que nous refusons de faire. Non par volonté d’optimisme obstiné, mais simplement par souci de réalisme et pour ne pas tomber dans le panurgisme habituel qui fait, il est vrai, le charme des marchés…
En effet, il ne faut pas s’arrêter aux simples profit warnings lancés par certaines banques, il n’est pas non plus opportun d’exagérer la valeur prédictive de données d’enquêtes qui sont plus des indicateurs retardés qu’avancés de l’activité économique.
Il faut, au contraire, souligner que de nombreuses évolutions réelles et pas seulement psychologiques sont loin d’être négatives, mais annoncent plutôt un rebond progressif de l’économie américaine et, par là même, une bonne résistance de la croissance mondiale, mais aussi des bourses internationales.
Ainsi, pour ne parler que de la locomotive de la croissance mondiale depuis 1992, à savoir l’économie américaine, notons qu’en dépit des craintes formulées ici ou là, y compris par Ben Bernanke, qui a décidément énormément de mal à faire oublier son prédécesseur, le cercle vertueux de croissance (investissement-emploi-consommation) est toujours présent outre-Atlantique. Et pour cause : l’investissement des entreprises est en augmentation annuelle de plus de 5 % et restera sur une telle tendance sur l’ensemble de 2008 comme en témoigne la bonne tenue des carnets de commandes de biens d’équipement.
Et ce notamment grâce aux liquidités élevées des entreprises et aux financements toujours importants en provenance des fonds de pension, deux réalités qui permettront de continuer à investir en dépit des difficultés bancaires. Dès lors, en dépit des licenciements dans les banques et dans la construction, l’emploi continuera de résister et avec lui, la consommation. Et ce d’autant que la baisse des taux directeurs de
Une évolution similaire devrait également s’observer sur les marchés boursiers. En effet, de nombreuses entreprises cotées ont été massacrées en bourse alors que leurs résultats ont été bons, voire très bons. Dans ce cadre, elles deviennent des proies faciles et très rémunératrices pour des fonds en mal de rendements et qui ont un horizon de placement qui dépasse les six mois.
C’est en cela que la crise financière que nous traversons actuellement fera le tri entre le grain et l’ivraie. Car si, pour un hedge fund, il est normal d’acheter une valeur le matin et de la vendre le soir, un tel comportement ne sied pas à des investisseurs institutionnels. Dans un climat difficile pour les marchés et pour redorer le blason particulièrement terni de ces derniers, il est grand temps de montrer au monde que les marchés remplissent un double rôle économique : celui de la couverture contre le risque et surtout celui du financement de l’économie.
Il serait triste que ce soient les fameux fonds souverains des pays dits émergents qui viennent nous le rappeler en investissant massivement dans des entreprises occidentales sous-valorisées tandis que les investisseurs des pays dits développés préfèrent se focaliser sur des placements sans risque. Ne l’oublions jamais : en économie et en finance, le vrai risque est de ne pas prendre de risque. Reste à savoir si les pays occidentaux ont encore l’envie et/ou le courage de relever le défi…
Marc Touati