Croissance et emploi en France : Chut ! Tout va bien…

Sans surprise et très loin des prévisions consensuelles et gouvernementales d’il y a encore quelques mois, la croissance du PIB français n’a pas dépassé ni même atteint les 2 % en 2007. Certes, avec une croissance de 0,3 % au quatrième trimestre et de 1,9 % sur l’ensemble de l’année, les apparences sont sauvées.

Néanmoins, à la lecture du détail des comptes nationaux du quatrième trimestre, il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser. En effet, très étrangement, la croissance du quatrième trimestre a été sauvée par… les importations, qui ont bizarrement reculé de 1,4 %.

Si bien que, malgré le creusement massif du déficit commercial sur les trois derniers mois de l’année, le commerce extérieur a contribué positivement à la croissance sur la même période ! Cherchez l’erreur… Certes, il y a bien un effet valeur, mais qui n’explique vraiment pas tout. Il faut donc s’attendre à des révisions baissières en la matière lors des prochaines versions des comptes nationaux. En attendant, il est d’ores et déjà possible de souligner qu’au cours du quatrième trimestre, la demande intérieure totale n’a progressé que de 0,1 %, soit sa plus mauvaise performance depuis le quatrième trimestre 2002 ! Autrement dit, la dynamique de croissance intérieure est bien en train de s’affaisser.

Cette contre-performance est d’ailleurs le produit de l’augmentation de seulement 0,4 % de la consommation des ménages. Evolution qui tranche également avec la baisse de 0,4 % de la consommation de biens manufacturés sur la même période, qui certes ne représente qu’environ 30 % de la consommation totale, mais dont l’écart de variation avec la consommation totale n’est généralement pas si élevé. A l’évidence, il y a quelques zones d’ombre dans ces comptes nationaux…

En fait, les deux seules évolutions favorables de ces derniers résident dans l’augmentation de 1,2 % de l’investissement logement et dans celle de 1 % de l’investissement des entreprises. Dans le premier cas, il s’agit néanmoins d’un réconfort de courte durée, dans la mesure où la baisse de la demande de logements neufs et désormais le recul des prix des logements anciens indiquent qu’une nette décélération puis une baisse de l’investissement logement devraient se produire dans les prochains trimestres. Quant à l’investissement des entreprises, n’oublions pas qu’il porte principalement sur des investissements de renouvellement des équipements existants et sur des investissements de productivité, c’est-à-dire des investissements peu créateurs d’emplois. Dans ce cadre, le pouvoir d’achat restera faible et les ménages qui ont déjà utilisé au maximum leur capacité d’endettement devront encore ralentir leurs dépenses de consommation et d’investissement logement.

En d’autres termes, après avoir atteint péniblement 1,9 % en 2007, la croissance française devrait encore reculer en 2008. A cet égard, notons d’ailleurs que l’acquis de croissance pour 2008 au sortir de l’année 2007 n’est que de 0,7 %.

Dans ce cadre, compte tenu des signaux clairs de nouveau ralentissement des dépenses des ménages, mais aussi du creusement durable du déficit extérieur, nous anticipons que la croissance française atteindra au mieux 1,6 % en 2008. Ce qui devrait se traduire par un déficit public d’environ 3 % du PIB. Au moment où la France prendra la Présidence de l’Union européenne à partir de juillet prochain, avouons que cela fait un peu désordre.

En attendant, l’INSEE nous a confirmé que l’emploi et le PIB évoluait de concert dans l’Hexagone : + 0,4 % au quatrième trimestre et + 1,9 % sur l’ensemble de l’année 2007. Autrement dit, il n’y a pas péril en la demeure, mais la mollesse économique reste de mise. En outre, une progression identique entre le PIB et l’emploi signifie que les gains de productivité ont été proches de zéro en 2007. Et malgré cela, les chefs d’entreprise qui répondent à l’enquête de la Banque de France se déclarent optimistes pour l’avenir. Trois réponses peuvent être apportées à cet apparent dilemme : soit les industriels français restent confiants grâce à leur activité internationale, soit ils ont fait le deuil d’une croissance forte en France et réussissent désormais à se contenter d’une croissance molle, soit les deux à la fois.

Toujours est-il que l’emploi a continué de pâtir de fortes destructions d’emplois dans l’industrie manufacturière (- 0,5 % au quatrième trimestre et – 1,6 % sur l’année) et a été sauvé par les fortes créations de postes réalisées dans les services (+ 0,6 % sur le trimestre, + 2,7 % sur l’année) et la construction (respectivement + 1 % et + 4,6 %). Pour 2008, les services devraient continuer de créer des emplois et l’industrie manufacturière d’en détruire dans les mêmes proportions. La seule différence devrait venir de la construction, secteur dans lequel l’emploi devrait progresser d’à peine 1 %, voire stagner. C’est du moins ce qu’indiquent l’effondrement de 25 % des mises en chantier de logements entre juin et décembre derniers, mais aussi l’écroulement de 30,1 % des permis de construire entre mars et décembre 2007, ou encore la nouvelle baisse de la tendance de logements neufs à acheter (calculée par l’INSEE) au premier trimestre 2007 qui atteint désormais un plus bas depuis 1996.

Autrement dit, en 2008, tant le PIB que l’emploi ne croîtront pas plus de 1,6 %. Mais chut ! Tout doit aller mieux, donc tout va bien…

Marc Touati