L’Europe est vue comme une « res publica », une chose publique dont l’édification bute parfois sur des écueils.
L’Europe est aussi une « res economica », une construction dont les fondations mêmes sont de nature économique. Chypre et Malte sont récemment venus apporter leur pierre à l’édifice en intégrant la zone euro.
Dans l’« Euroland », l’addition de ces deux petits Etats est presque passée inaperçue. Chypre et Malte, un peu plus d’un million d’habitants à elles deux, ne représentent respectivement que 0,17 % et 0,06 % du PIB de la zone. Leur intégration a un impact plus symbolique que réel, il faut bien dire.
Plus de trois ans après leur entrée dans l’Union Européenne en effet, Chypriotes et Maltais se sentent désormais « réellement » membres de l’UE. Et après avoir multiplié les efforts pour gagner leur sésame – les îles ont contrôlé leur inflation, réduit leurs dettes publiques et leurs déficits budgétaires, ramené de 10 à 2 % du PIB entre 2003 et 2007 pour La Valette et abaissé à 1,9 % en 2006 pour Nicosie -, leurs attentes sont nombreuses.
Sur le plan économique d’abord car leurs PIB par habitant restent inférieurs à la moyenne de la zone (92 % pour Chypre et 71,5 % pour Malte). Les autorités chypriotes et maltaises espèrent que la monnaie unique renforcera la compétitivité et l’attractivité de deux économies îliennes qui dépendent fortement de l’extérieur. Elles misent beaucoup sur le tourisme, un secteur primordial pour leur économie, mais aussi sur l’immobilier. D’autres domaines pourraient être dynamisés : Malte, qui a perdu son statut de « paradis fiscal » – donné par l’ONU en 1998 – mais a conservé un régime attrayant, entend ainsi accélérer la mutation de son économie vers les services pour l’industrie ou la haute technologie.
Toutefois, les craintes sont nombreuses quant à une éventuelle accélération de l’inflation à cause de l’euro, comme ce fut le cas dans d’autres pays et comme le soulève le dernier membre en date, la Slovénie – qui vient de prendre la présidence tournante de l’UE. Plus de 70 % des Chypriotes et 65 % des Maltais estiment que la monnaie unique engendrera une hausse de l’inflation. Toutefois, les habitants ont été nombreux à faire la queue devant leurs banques et même les distributeurs automatiques pour retirer des euros qui ont aujourd’hui détrôné la lire maltaise et la livre chypriote dans les porte-monnaie.
Ensuite, l’euro ne saurait être neutre sur le plan politique. Nicosie espère ainsi que l’admission dans la zone euro du gouvernement chypriote grec contribuera à unifier les économies de l’île, divisée depuis l’invasion de la partie nord par les forces turques en 1974.
Enfin, petit clin d’œil, les Britanniques ont de facto adopté l’euro… dans leurs bases militaires situées en territoire chypriote. Eux qui étaient euro-sceptiques…
Alexandra Voinchet