La France, plus beau pays du monde ou maillon faible d’Europe ?

Ah ! Qu’il parait loin le temps où lorsque les Français partaient à l’étranger, on les accueillait le sourire aux lèvres, en disant avec une pointe d’envie « Ah, la France quel pays formidable ! Vous en avez de la chance ! »

Aujourd’hui, en fait depuis quelques années, et a fortiori depuis la « révolte » des « gilets jaunes » et les grèves contre la réforme indispensable des retraites, les sourires ont été remplacés par des mines tristes et inquiètes : « Oh, you are French, we are so worried about you ! ». Et très vite, la compassion est remplacée par une forme d’inquiétude teintée de colère : « mais qu’attendez-vous pour réagir ? Que font les dirigeants du pays pour moderniser votre économie ? »

Que ce soit, en Asie, en Afrique, en Amérique latine ou aux Etats-Unis et bien sûr en Europe, telles sont les remarques régulières que les Français, et votre serviteur par la même occasion, peuvent essuyer en ce moment.

Certes, comme je ne cesse de le répéter : de par ses paysages, son positionnement géographique, ses infrastructures routières, ses monuments, sa capitale et l’ensemble de ses villes et villages, la France est certainement l’un des plus beaux pays du monde. Mais, malheureusement, ces atouts sont devenus des pièges. En effet, persuadés que grâce à ses avantages naturels et à son Histoire, la France ne pourra jamais tomber de son piédestal, de nombreux Français et quasiment tous leurs gouvernants ont refusé de voir la réalité en face et ont interdit la moindre réforme de fond. Que ce soit d’un point de vue économique, sociale, sociétale ou même sécuritaire.

Pour mieux faire avaler la pilule, la méthode Coué a été érigée en stratégie unique, espérant qu’à force d’annoncer que tout va bien, tout finira par aller bien. Ce déni de réalité a commencé en 1981. A l’époque, en pleine récession mondiale, les Mitterrand, Mauroy, Attali et consorts voulaient nous faire croire que tout irait mieux en augmentant massivement la dépense et la dette publiques. Quelle erreur stratégique !

Malheureusement, en dépit du bon sens, tous les dirigeants suivants ont continué dans cette même voie catastrophique. Si bien que la dette publique est passée de 20 % du PIB en 1980 à environ 100 % depuis 2017. Dans le même temps, la France est devenue numéro un mondial en matière de poids des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques dans le PIB. Conséquence logique de cette « fuite en avant » autant inefficace que suicidaire, la croissance structurelle est tombée de 2,5 % à 0,9 %. Quant au nombre de chômeurs, il a fortement augmenté, battant record sur record.

Mais peu importe, on a continué de nous affirmer que tout allait bien. Depuis 2010, l’ingéniosité sémantique des dirigeants politiques français a même atteint des sommets. Tout a effectivement été essayé : « la crise est finie », « la reprise est là », « le chômage va fortement baisser » ou encore « ça va mieux ». Avec, pour seuls résultats : une croissance économique proche de 1 % et un chômage qui a certes légèrement baissé, mais reste l’un des plus élevés du monde développé.

Le pire est que cette culture des faux-semblants, du manque de courage et des contre-performances n’est pas l’apanage de l’économie. En effet, d’un point de vue social et sociétal, les mêmes erreurs ont été commises et les mêmes contre-vérités ont été diffusées. Depuis les années 1970, on a ainsi essayé de nous faire croire qu’en parquant certaines catégories de la population dans des cités HLM, mais bien sûr avec beaucoup d’aides publiques, la société française allait monter en grade, notamment grâce à un ascenseur social hors pair ! Que de mensonges et de gâchis !

Le pire est que malgré ces échecs cuisants, rien n’a changé, si ce n’est à la marge. Ainsi, alors que tous les pays européens ont réduit leurs dépenses publiques et leurs impôts, tout en modernisant leurs systèmes de retraite, la France n’est toujours pas parvenue à trouver le chemin du courage et du bon sens.

A tel point que, pour de plus en plus de Français désinformés, la seule solution semble être le retour de la lutte des classes et des grèves illimitées. Quel retour en arrière !

Ce climat délétère, voire anxiogène, qui prévaut actuellement va évidemment peser à la baisse sur l’activité économique. Et ce, notamment dans les secteurs du tourisme, de la restauration et du commerce au sens large qui sont parmi les plus forts pourvoyeurs de croissance et d’emplois en France, en particulier pendant les préparatifs et la période des fêtes de fin d’année. Après la claque des « gilets jaunes » il y a un an, il est malheureusement certain qu’avec les grèves de décembre 2019, de nombreux commerces, artisans et entreprises vont mettre la clé sous la porte.

Dans ce cadre, le PIB français pourrait baisser au quatrième trimestre 2019, voire au premier de 2020 si rien ne change, ce qui marquerait le retour de la récession et de la forte augmentation du chômage.

A côté de ces coûts économiques, le sentiment de malaise et d’injustice pourrait aussi engendrer des coûts psychologiques et sociétaux conséquents. Parallèlement, si le gouvernement recule (cas de plus en plus probable), la crédibilité économique et politique de la France sera encore mise à mal, affaiblissant davantage le peu de cohésion qui prévaut au sein de l’Union Economique et Monétaire.

Ce qui pourrait in fine générer une nouvelle crise existentielle de la zone euro, avec à la clé une remontée des taux d’intérêt des obligations d’Etat, donc un nouvel affaiblissement de l’activité, une augmentation du chômage, puis une aggravation des déficits publics et de la dette, ce qui ne manquera évidemment pas de peser encore davantage sur la stabilité économique et sociétale de notre « douce France », qui est décidément de plus en plus loin des images idylliques des cartes postales… Joyeuses fêtes quand même…

Marc Touati