Corrections boursières : jamais deux sans trois !

Et de trois ! Après un premier coup de semonce en février 2018, puis un mini-krach à l’automne dernier, les marchés boursiers sont bien partis pour connaître leur troisième sévère correction en quinze mois. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre le 29 janvier et le 8 février 2018, le Dow Jones a plongé de 10,4 %, atteignant un plus bas depuis le 28 novembre 2017. Du 23 janvier au 9 février, le Cac 40 a chuté de 8,4 %, tombant, cette fois-ci, à un plancher depuis le 30 août 2017.

Encore plus loin sur l’échelle des secousses boursières, et après un printemps-été d’accalmie, l’automne 2018 a définitivement sonné le glas du « Bull market » : entre le point haut du 27 septembre et le plancher du 27 décembre, le Cac 40 s’est ainsi effondré de 17 %. Quant au Dow Jones, entre son plafond du 3 octobre et son plus bas du 24 décembre, il a plongé de 18,9 %. Ils atteignaient alors des planchers depuis respectivement le 5 décembre 2016 et le 7 septembre 2017.

Qu’à cela ne tienne, après ces deux claques successives que très peu de prévisionnistes avaient eu la clairvoyance et/ou le courage d’annoncer, les investisseurs se sont dit que le plus dur était passé et qu’il fallait désormais revenir massivement sur les marchés actions. Après un dégonflement en deux temps, la bulle boursière s’est donc reformée sur les quatre premiers mois de 2019. Là aussi, les chiffres sont évocateurs : entre le 28 décembre 2018 et le 23 avril 2019, le Cac 40 a flambé de 21,6 %. Le Dow Jones a fait encore plus fort puisqu’il a progressé de 22,3 % entre le 26 décembre 2018 et le 23 avril 2019. Et ce, en dépit des nombreux risques qui n’ont cessé d’augmenter et de peser sur la stabilité économico-politique internationale et sur la croissance mondiale, réactivant par là même une bulle de plus en plus dangereuse.

Seulement voilà, toutes les « bonnes choses » ont une fin et il faut bien que, de temps en temps, les marchés boursiers se reconnectent à la réalité économique.

Ainsi, depuis le 24 avril, les marchés boursiers ont nettement reculé à travers la planète : – 7,3 % pour le Cac 40, – 5,7 % pour le Dow Jones ou encore – 6,7 % pour l’Eurostox50 et – 7,5 % pour le Nasdaq.

Une correction baissière qui n’est certes pas un krach, pour le moment, mais qui, selon nos prévisions, est loin d’être terminée. Et pour cause : les risques qui pèsent sur l’économie mondiale et sur les marchés financiers sont nombreux et particulièrement dangereux. Il s’agit tout d’abord de la menace d’un dérapage protectionniste international. Celui-ci serait véritablement dommageable, dans la mesure où pour obtenir une croissance du PIB mondial de l’ordre de 3 %, il faut une progression annuelle des échanges internationaux de 7 % à 10 % en valeur. Autrement dit, si le protectionnisme et le repli sur soi l’emportent, le commerce mondial s’effondrera et la croissance planétaire avec. Ce qui ne manquera évidemment pas de réduire les bénéfices des entreprises, donc leurs dividendes, alimentant automatiquement la déprime des marchés boursiers.

Deuxième grand risque, le dérapage de la crise italienne, qui pourrait raviver la crise de la dette publique et in fine susciter une nouvelle crise existentielle de la zone euro. Dans ce cas, la claque serait double : à la fois sur les marchés boursiers mais, « en même temps » sur les marchés obligataires. En d’autres termes, les taux d’intérêt des obligations des Etats surendettés, dont l’Italie, la Grèce, mais aussi la France, vont bientôt retrouver leurs niveaux normaux, c’est-à-dire justifiés sur la base de la réalité de la dette publique. En l’occurrence plus de 4 % pour le taux d’intérêt des obligations à dix ans de l’Etat italien et au moins 1,5 % pour celui de l’Etat français.

Cette remontée des taux longs ne manquera évidemment pas de casser encore un peu plus la croissance économique, ce qui aggravera les déficits publics, donc la dette et alimentera de nouveau la hausse des taux d’intérêt obligataires, suscitant par là même un cercle pernicieux très dangereux.

Sur ces deux grands dangers économico-financiers viendront parallèlement se greffer des périls sociétaux, déjà particulièrement actifs dans de plus en plus de pays occidentaux : montée des populismes et des extrémismes, avec risque de blocages sociaux, qui réduiront immanquablement le peu de croissance qui nous reste.

Enfin, pour le moment mis en sommeil pour le grand bien de l’Humanité, les dangers géopolitiques et terroristes demeurent malheureusement prégnants, constituant une épée de Damoclès sur la stabilité économico-financière internationale.

Là où le bât blesse c’est qu’en cas de krach durable, les autorités monétaires et budgétaires mondiales n’ont aucune marge de manœuvre pour relancer la machine. Seuls trois grands pays paraissent susceptibles d’encaisser le choc : l’Allemagne, grâce à son excédent public, la Chine, grâce à ses réserves de changes de plus de 3 000 milliards de dollars et les Etats-Unis, grâce au plein-emploi et à la possibilité de baisser les taux monétaires. Partout ailleurs, le « barillet » est vide. Autrement dit, la fête est bien finie et la gueule de bois risque malheureusement de durer longtemps.

En conclusion, dans la mesure où, par définition, les marchés financiers ne connaissent pas la mesure, ils pourraient très vite passer de l’euphorie excessives des années 2016-2017 à une déprime digne de 2008-2009.

Dans ce cadre, il faudra s’armer de patience et se souvenir des niveaux d’équilibre des indices boursiers, c’est-à-dire justifiés sur la base des fondamentaux économiques pour 2019 : 22 000 points pour le Dow Jones, 4 800 pour le Cac 40. Autour de ces niveaux, il sera donc possible de « jouer » aux « montagnes russes », mais attention tout de même aux maux de têtes et aux vertiges…

Marc Touati