Le FMI avertit, mais les marchés restent dans le déni.

Le FMI a beau réviser à la baisse ses prévisions de croissance et prévenir la communauté internationale que l’économie mondiale est de plus en plus menacée par une nouvelle crise, les marchés boursiers n’en ont cure. Ils préfèrent au contraire ignorer les dangers, croire aux miracles et continuer de remonter en dépit des menaces.

Certes, il faut reconnaître que les prévisions du FMI sont rarement exactes. Il y a encore quelques mois, celles-ci faisaient d’ailleurs état d’une croissance mondiale forte, d’un monde émergent très dynamique, d’une zone euro en plein boom et d’une France en grande forme.

Aujourd’hui, ce même FMI est loin de cet optimisme béat. A juste titre d’ailleurs. Ses prévisions pour 2019 sont ainsi plus ternes, même si elles restent encore très optimistes compte tenu des dangers environnants. Il anticipe par exemple une croissance mondiale de 3,5 %, contre 3,7 % en octobre dernier. A titre d’illustration, souvenons-nous qu’en avril 2018, il annonçait une croissance mondiale de 3,9 % pour 2018 et que cette dernière sera plutôt de 3,5 % (voire 3,3 % selon nos estimations). C’est dire combien la prévision actuelle du FMI risque malheureusement de s’avérer encore trop élevée…

Pour notre part, nous continuons de prévoir une progression du PIB mondial d’environ 2,8 % cette année, ce qui signifie que, si nous avons raison, les marchés risques d’encaisser pas mal de déceptions et de déconvenues d’ici la fin 2019.

D’ailleurs, la prévision de 3,5 % du FMI tranche encore avec les alertes de ce dernier quant aux menaces qui pèsent sur l’économie internationale. A commencer par la crise économico-politique qui sévit en Italie, en France, mais aussi en Allemagne, et qui ne manquera donc pas d’entacher la situation de l’ensemble de la zone euro.

La variation du PIB eurolandais anticipée par le FMI en 2019 est ainsi de 1,6 %, soit 0,3 point de moins qu’en octobre dernier. Le problème est qu’au quatrième trimestre 2018, le glissement annuel du PIB de la zone euro devrait tomber vers 1 % et que les derniers indicateurs avancés de la conjoncture indiquent qu’il risque de tomber vers 0 % d’ici l’été prochain. En d’autres termes, la prévision du FMI sur la croissance eurolandaise sera encore revue à la baisse au cours des prochains mois.

Même punition pour la Russie, le Mexique ou encore l’Arabie Saoudite, avec des prévisions de variation du PIB qui ont été revues à la baisse, mais encore trop modérément. Notons néanmoins deux bonnes nouvelles. Premièrement, le FMI a confirmé ses prévisions pour les Etats-Unis et la Chine, avec des niveaux de respectivement 2,5 % et 6,2 %. Deuxièmement, il a révisé à la hausse celle relative à la croissance indienne (à 7,5 %, contre 7,4 % précédemment). Reste simplement à savoir si les chiffres fournis par ces deux locomotives de la croissance mondiale sont véridiques…

Toujours est-il qu’en dépit de ces deux points positifs, la prévision de croissance de l’ensemble du monde émergent a été abaissée de 0,2 point par rapport à octobre, à désormais 4,5 %, ce qui demeure, selon nos estimations, encore au-dessus de la réalité.

A côté de ce risque notable, le FMI fait également état, à juste titre, de quatre autres grands dangers, en l’occurrence, une « escalade des tensions commerciales », une « détérioration des conditions financières », le Brexit, ainsi que les risques de fort ralentissement dans certains pays de la zone euro. Par rapport à ses estimations d’octobre, le FMI a ainsi révisé en nette baisse ses prévisions pour l’Allemagne (1,3 % contre 1,9 %) et l’Italie (0,6 % versus 1,0 %).

Comme souvent, la France a bizarrement bénéficié d’un traitement de faveur, puisqu’après avoir annoncé une croissance 2019 de 1,6 % en octobre dernier, le FMI se contente désormais d’une baisse de seulement 0,1 point à 1,5 %. Ce qui tranche à peine avec le 1,7 % du gouvernement français, mais énormément avec les derniers indicateurs avancés de l’économie française, qui font plutôt état d’une croissance 2019 d’environ 1 %. A croire que le FMI a choisi de noircir le tableau pour l’Allemagne et de l’embellir pour la France. Cherchez l’erreur.

Toujours est-il qu’au final, l’heure est bien au ralentissement généralisé.

Pourtant, malgré l’ensemble de ces révisions baissières et de ces alertes largement justifiées, les marchés boursiers ont continué de progresser. Entre le point bas du 27 décembre 2018 et le 24 janvier, le Cac 40 a ainsi augmenté de 5,9 %. Bien entendu, il reste encore 13,9 % en-deçà de son sommet du printemps 2018.

Quant au Dow Jones, sa progression entre le 24 décembre 2018 et le 23 janvier a été de 12,8 %. Il n’est désormais plus qu’à 8,8 % de son sommet de 2018.

Ce nouvel accès de fièvre s’explique évidemment par un effet de correction de la forte baisse de la fin 2018, mais aussi, voire surtout, par la poursuite d’un déni de réalité consensuel, qui fait donc fi du ralentissement avancé de la croissance mondiale et des nombreux risques qui pèsent sur l’avenir de la sphère économico-financière.

Autrement dit, l’aveuglement collectif continue sur les marchés financiers. Le réveil n’en sera malheureusement que plus douloureux lorsqu’il faudra affronter la réalité de la décélération de l’activité économique internationale. En conséquence et conformément à nos prévisions, la volatilité va rester extrêmement forte sur les marchés boursiers. Pour le Cac 40, cela se traduira par de nombreux allers-retours entre 4 200 et 4 800 points. Pour le Dow Jones, cette fourchette large pourra aller de 21 000 à 24 500 points. Comme, dans les deux cas, la barre haute de ces intervalles a déjà été atteinte, il faut donc se préparer à une dégringolade imminente.

Marc Touati