2018, l’année où tout a basculé…

Il y a quasiment un an, lors de la présentation de nos prévisions pour l’année 2018 dans ces mêmes colonnes, nous rédigions trois articles aux titres explicites : « 2018 : risky business year… », « 2018 : ça commence en fanfare et ça finit dans le brouillard. » et « En 2018, les bulles vont-elles enfin se dégonfler ? »

A l’époque, beaucoup nous trouvaient trop pessimistes, arguant notamment des prévisions du FMI, de l’OCDE, de la Commission européenne ou encore du gouvernement français, qui annonçaient une année 2018 « formidable ». Du côté des investisseurs et des journaux économiques et financiers, le ton était globalement le même que le consensus bien-pensant : « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et les marchés vont encore flamber en 2018 » nous disaient-il en substance.

Que d’erreurs et d’aveuglements collectifs ! De même, lorsque le mini-krach de février se produit, bis-repetita : « mais non, ce n’est qu’une petite bourrasque, tout va rentrer dans l’ordre » veut-on nous faire croire. Et pourtant !

Loin de nous de vouloir remuer le couteau dans la plaie de tous ces diseurs de bonne aventure ou d’en tirer quelque gloire. Nous rappellerons néanmoins une règle de bon sens : L’erreur est humaine, mais persévérer est diabolique !

C’est en cela que l’on peut en vouloir à certains professionnels de la finance, de l’économie et du politique : les bulles existent, elles sont même inévitables, mais, régulièrement, elles se dégonflent pour recoller à la réalité. Il ne sert donc à rien de laisser croire que les arbres peuvent monter au ciel. Il n’est pas non plus opportun d’être pessimiste maladif, ni optimiste béat, mais simplement réaliste.

En fait, ce qui a fait tant de mal aux investisseurs, à certains économistes et à certains politiques c’est un déni de réalité permanent et par là même inacceptable. C’est bien là le problème : plus l’aveuglement et le refus de voir la réalité en face vont loin, plus les bulles gonflent et plus leur éclatement fait mal.

C’est en cela que l’année 2018 restera certainement dans les annales comme celle où tout a basculé et où toutes les bulles ont explosé : le bitcoin et les cryptomonnaies, les marchés boursiers, les « licornes » (c’est-à-dire ces start-ups qui gravitent autour du numérique et dont la valeur financière a flambé, alors que leurs pertes d’exploitation n’ont cessé de s’accumuler), mais aussi la bulle italienne, ou encore la « bulle Macron ».

Comme nous l’évoquions dès son élection et a fortiori il y a un an, l’erreur de notre Président a été de continuer à augmenter la pression fiscale et la dépense publique. Et ce, dans une France qui est numéro un mondial du poids des prélèvements obligatoires sur PIB et numéro six du ratio dépenses publiques / PIB, derrière les îles Tuvalu, Kiribati, Marshall, Salomon, le Sultanat du Brunei et la Libye. Un club « très select » qui, à l’évidence, ne nous a pas porté bonheur.

Et pour cause : malgré son refus d’engager la France dans une « thérapie de choc bienveillante », avec à la fois une forte baisse des impôts pour tous, mais aussi une réduction des dépenses publiques superflues, M. Macron et son équipe ne sont pas parvenus à calmer une grogne sociale dangereuse, qui a désormais plongé la France dans une crise sociétale dont nous ne voyons pas l’issue pour le moment.

Conséquence logique de ces dérapages : la croissance s’est effondrée et la dette publique a continué de flamber. Dans ce cadre, une dernière bulle a continué de résister, en l’occurrence, celle des obligations des Etats de la zone euro, dont les taux d’intérêt restent artificiellement bas (excepté en Italie). Et ce pour la simple raison que, comme nous l’annoncions il y a un an, la croissance est bien en train de s’effondrer dans l’ensemble des pays de l’UEM.

Souvenons-nous : début 2018, de très nombreux « spécialistes » et « prévisionnistes » annonçaient que la croissance allait s’effondrer aux Etats-Unis et rester solide dans la zone euro et en France. Et lorsque nous annoncions l’inverse à l’époque, on nous riait souvent au nez. Et pourtant, les faits sont là : en 2018, la croissance américaine devrait avoisiner les 3 %, contre 2,2 % en 2017.

A l’inverse, la croissance de la zone euro est passée de 2,5 % en 2017 à 1,8 % en 2018. L’observation du glissement annuel du PIB eurolandais est encore plus douloureuse, puisque celui-ci est tombé de 2,8 % au troisième trimestre 2017 à environ 1,1 % au quatrième trimestre 2018. Que dire alors de celui de la France qui est passé de 2,8 % à 0,8 % selon nos estimations. Le pire est que la situation devrait encore empirer en 2019.

C’est aussi en cela que 2018 a constitué une année charnière. Et ce non seulement pour la zone euro mais aussi pour l’ensemble de la planète. En effet, après être remonté à 3,8 % en 2017, la croissance mondiale devrait avoisiner les 3,3 % en 2018, ce qui reste certes une bonne performance, mais 0,2 point de moins que la variation annuelle moyenne du PIB planétaire depuis 1980.

Une évolution qui va encore s’aggraver en 2019. Nous en parlerons la semaine prochaine dans la présentation de nos prévisions 2019. En attendant et en dépit d’un contexte difficile sur les marchés financiers et sur le front de l’activité économique, en particulier dans la zone euro et plus précisément en France, nous vous renouvelons nos souhaits d’excellentes fêtes de fin d’année, tout en vous remerciant pour votre confiance et votre fidélité.

Marc Touati