Marchés financiers : la correction n’est pas terminée.

Depuis quelques semaines, que ce soit dans les interviews, les conférences ou dans la rue, les « apostrophes » ne manquent pas : « Alors, les marchés baissent, vous êtes contents ?! » me lancent-on régulièrement.

Et bien non ! Je ne suis pas content. Certes, après deux ans d’aveuglement collectif qui faisait dire au plus grand nombre qu’il n’y avait pas de bulles, que la flambée des marchés obligataires et boursiers était normale, ou encore que le bitcoin c’était l’avenir, il faut reconnaître que le retour du bon sens fait plutôt plaisir.

Autrement dit, je ne me réjouis pas de la baisse des marchés, mais je suis simplement satisfait que les marchés financiers se reconnectent quelque peu à la réalité économique. Et ce, précisément quelques semaines après la parution de mon nouveau livre « Un monde de bulles », qui reste en tête des ventes de sa catégorie depuis sa sortie, notamment sur Amazon.fr, mais continue d’être boudé par une certaine presse élitiste (heureusement très limitée).

Mais comme l’a écrit dernièrement Emmanuel Lechypre (j’en profite d’ailleurs pour le remercier) dans sa belle critique d’Un monde de bulles dans L’Express : « Il en est des économistes comme des chanteurs. Ceux qu’on qualifie de « populaires » avec un dédain assumé dans les cercles élitistes sont aussi ceux qui sont les plus familiers et les plus sympathiques aux yeux du grand public. Marc Touati est de ces économistes-là… »

Depuis bientôt 25 ans que je fais ce métier, mon but a effectivement toujours été de démocratiser l’économie et aussi de faire des prévisions de manière indépendante et uniquement sur la base des réalités économiques et financières. Et je ne vais évidemment pas m’arrêter en si bon chemin.

C’est pourquoi, lorsque l’on me demande si la baisse des marchés boursiers va se poursuivre, je suis contraint de répondre par l’affirmative.

Certes, des mouvements de rebond correctif auront lieu. Mais ils ne seront que temporaires, pour la bonne et simple raison que la reconnexion des marchés aux fondamentaux économiques n’est pas encore terminée.

Et pour cause : même à 24 000 points, le Dow Jones reste trop cher par rapport à l’état de la croissance mondiale. Avec un niveau de 3,3 % cette année et de 2,9 % pour 2019 (selon nos prévisions), le niveau économiquement justifié de l’indice phare de la bourse de New York serait plutôt vers les 21 000 points.

Ce niveau demeure d’ailleurs optimiste dans la mesure où il suppose que les risques actuels ne déborderont pas. Or, ces derniers sont nombreux et particulièrement dangereux. Il s’agit tout d’abord de la menace d’un dérapage protectionniste international. Celui-ci serait véritablement dommageable, dans la mesure où pour obtenir une croissance du PIB mondial de l’ordre de 3 %, il faut une progression annuelle des échanges internationaux d’environ 10 % en valeur. Autrement dit, si le protectionnisme et le repli sur soi l’emportent, le commerce mondial s’effondrera et la croissance planétaire avec. Ce qui ne manquera évidemment pas de réduire les bénéfices des entreprises, donc leurs dividendes, alimentant automatiquement la déprime des marchés boursiers.

Deuxième grand risque, le dérapage de la crise italienne, qui pourrait raviver la crise de la dette publique et in fine susciter une nouvelle crise existentielle de la zone euro. Dans ce cas, la claque serait double : à la fois sur les marchés boursiers mais, au préalable sur les marchés obligataires. Et ce d’autant que la BCE doit arrêter sa « planche à billets » fin 2018. En d’autres termes, les taux d’intérêt des obligations des Etats surendettés, dont l’Italie, la Grèce, mais aussi la France, vont bientôt retrouver leurs niveaux normaux, c’est-à-dire justifiés sur la base de la réalité de la dette publique. En l’occurrence plus de 4 % pour le taux d’intérêt des obligations à dix ans de l’Etat italien et au moins 1,5 % pour celui de l’Etat français.

Cette remontée des taux longs ne manquera évidemment pas de casser encore un peu plus la croissance économique, ce qui aggravera les déficits publics, donc la dette et alimentera de nouveau la hausse des taux d’intérêt obligataires, suscitant par là même un cercle pernicieux très dangereux.

Sur ces deux grands dangers économico-financiers viendront parallèlement se greffer des périls sociétaux, déjà particulièrement actifs dans de plus en plus de pays occidentaux : montée des populismes et des extrémismes, avec risque de blocages sociaux, qui réduiront immanquablement le peu de croissance qui nous reste.

Enfin, pour le moment mis en sommeil pour le grand bien de l’Humanité, les dangers géopolitiques et terroristes demeurent malheureusement prégnants, constituant une épée de Damoclès sur la stabilité économico-financière internationale.

En conclusion, dans la mesure où, par définition, les marchés financiers ne connaissent pas la mesure, ils pourraient très vite passer de l’euphorie excessives des années 2016-2017 à une déprime digne de 2008-2009.

Dans ce cadre, il faudra s’armer de patience et se souvenir des niveaux d’équilibre des grandeurs financières, c’est-à-dire justifiés sur la base des fondamentaux économiques pour 2019 : 21 000 points pour le Dow Jones, 4 800 pour le Cac 40, 1,10 dollar pour un euro, 1,5 % pour le taux de l’OAT à dix ans. Autour de ces niveaux, il sera donc possible de « jouer » aux « montagnes russes », mais attention tout de même aux maux de têtes et aux vertiges…

Marc Touati