Soyons optimistes, mais réalistes.

On m’accuse parfois d’excès de pessimisme. Dernièrement, un investisseur m’a même qualifié de « cygne noir ». Même si je suis aguerri face aux critiques, je dois avouer que je ne suis pas insensible à ce type de jugement, pour la simple raison que je suis tout sauf pessimiste. En fait, bien loin de ce vrai défaut, je suis un optimiste acharné. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, en dépit des déboires de l’économie française et du manque de courage des dirigeants hexagonaux depuis des années, je continue de préconiser, notamment dans mes livres, des recettes pour sortir notre « douce France » de l’ornière économique et sociétale.

Pour autant, si je refuse de céder au pessimisme maladif et au « déclinisme », je me dois et nous nous devons collectivement d’être réalistes. C’est dans ce cadre que je m’impose de dire la vérité et d’analyser les chiffres de l’économie française et l’évolution des marchés financiers avec honnêteté et impartialité. Et ce, quel que soit la couleur du parti de gouvernement ou l’opinion de mes interlocuteurs.

Ceux qui me suivent depuis longtemps savent par exemple qu’au début 1998, lorsque Lionel Jospin était premier ministre, j’ai été l’un des premiers à annoncer le retour de la croissance forte en France, à juste titre. J’ai ensuite annoncé la poursuite de cette croissance forte jusqu’en 2000 en dépit du scepticisme ambiant. Et ce notamment parce que nous profitions d’un contexte presque parfait : une révolution technologique majeure, des cours du pétrole très bas, un niveau de l’euro sous-évalué et une croissance mondiale forte.

Ensuite, que ce soit sous le second mandat de Jacques Chirac et sous celui de Nicolas Sarkozy, je n’ai pas hésité à annoncer, lorsqu’il le fallait, le retour de la croissance molle, notamment par manque de réformes de fond. Avec François Hollande, il n’y avait évidemment pas de raison que cela change. Et ce d’autant que la France est devenue le seul pays développé à refuser de moderniser son économie en profondeur.

De même, en 2009, lorsque la quasi-totalité des prévisionnistes de la planète annonçait l’écroulement de la croissance mondiale, j’étais l’un des rares à prévoir un rebond pour la fin d’année et l’évitement du cataclysme du type « crise de 1929 ». C’est notamment ce que je défendais dans « Krach, boom… et demain ? » (Dunod) qui sortait fin janvier 2009.

Autrement dit, j’ai toujours refusé de devenir un pessimiste invétéré et d’être considéré comme tel. En revanche, quelles que soient les pressions, je continue et continuerai de dire la vérité. Ainsi, en dépit de la pensée unique qui voudrait que l’économie française se porte à merveille et que les marchés boursiers vont encore flamber, je dois vous mettre en garde contre la forte probabilité de déceptions face à ces espoirs.

Dès le deuxième trimestre 2018, le glissement annuel du PIB français a baissé à 1,7 %. Bizarre pour une économie où tout semble aller mieux. Enfin, les dernières enquêtes de conjoncture montrent que la croissance hexagonale devrait rester faible au cours des prochains trimestres. Il faut donc ouvrir les yeux et cesser le déni de réalité qui nous fait d’ailleurs tant de mal depuis trente ans. Jeudi dernier, tentant de rattraper leur retard, l’INSEE a encore révisé à la baisse sa prévision de croissance française pour 2018. Bientôt elle arrivera à celle que j’ai établie il y a un an, à savoir 1,5 %. Mieux vaut tard que jamais…

Un aveuglement similaire est observable en matière de flambée des grands indices boursiers internationaux. La chute de février 2018 confirme d’ailleurs que la situation est fragile. Mais là aussi, l’aveuglement collectif règne. Pourtant, il faut être clair : pour justifier économiquement un Dow Jones à plus de 24 000 points et a fortiori à plus de 26 000, il faudrait une croissance mondiale d’au moins 8 %. Or, elle sera dans le meilleur des cas de 3,2 % cette année et d’environ 3 % en 2019. Ce qui est certes très appréciable, mais très loin de pouvoir valider l’euphorie boursière.

De plus, les risques extra-économiques qui pèsent sur cette dernière sont nombreux : dangers géopolitiques et militaires, notamment au Moyen-Orient, menace de destitution du Président Trump, risques d’attentats et de désordres sociaux un peu partout en Europe, sans oublier les sempiternelles crises grecques et italiennes, mais aussi les risques bancaires en Chine et à travers le monde, qui sont, pour l’instant enfouis dans l’inconscient collectif mais qui demeurent incandescents.

Croyez-moi, j’aimerais vraiment annoncer de meilleures nouvelles pour l’économie française et pour l’avenir des marchés financiers, mais je ne suis pas magicien. Je me contente simplement de dire la vérité et d’établir mes prévisions sur la base de la réalité économique.

Je rappellerai donc cet adage de bon sens : mieux vaut prévenir que guérir. Autrement dit, en ces temps troublés, il ne faut pas hésiter à prendre ses bénéfices, même trop tôt, sachant que les grands indices boursiers disposent d’un potentiel de baisse d’au moins 15 %.

En conclusion, permettez-moi de mentionner quelques conseils pour mieux affronter la nouvelle tempête qui arrive : soyez mentalement forts, comprenez que les crises sont toujours des phases d’opportunité, ne comptez pas trop sur les dépenses publiques pour sauver les meubles, préférez investir et consommer plutôt que vous terrer dans la peur et l’épargne.

D’un point de vue financier, restez liquides, vendez vos obligations d’Etat, n’achetez pas de bitcoin ou cryptomonnaies en tout genre, éventuellement investissez à long terme, par exemple dans la pierre ou dans de belles entreprises et surtout Carpe Diem : profitez de l’instant présent !

Marc Touati